dimanche 30 décembre 2012

J'ai été voir... Jack Reacher


Annoncé comme le film d'action de cette fin d'année 2012, Jack Reacher avait de quoi séduire: le scénariste de Usual Suspects à la réalisation, adaptant un roman de Lee Child et Tom Cruise en héros plein écran (il n'y a tout simplement rien d'autre que lui sur l'affiche).

Suite à une tuerie qui a l'air de l'oeuvre d'un déséquilibré, toutes les preuves accusent un homme. Le suspect en question n'a qu'une demande: trouver Jack Reacher. Quand celui-ci débarque, il s'associe à l'avocate de la défense pour démêler une enquête plus complexe qu'elle en a l'air.

Ça démarre très fort: la scène d'ouverture est carrément scotchante avec ses 10 minutes sans aucune parole qui plante non seulement le décor mais aussi la base de tout le reste du film.
Malheureusement, le reste du film n'est pas aussi bon malgré quelques scènes très réussies.

Jack Reacher aimerait ne pas être un film d'action comme les autres c'est à dire un film pour lequel on peut oublier son cerveau au vestiaire. Comme son titre l'indique, Jack Reacher tourne autour d'un héros, ancien enquêteur militaire, au sens de la justice très personnel et qui ne s'encombre pas de ce qu'il a le droit ou pas de faire. Dans les romans de Lee Child, Reacher a une façon originale de raisonner et de fonctionner. Dans le film, il manque une dimension psychologique à ce méchant héros qui paraît du coup bancal. 
Les ficelles de l'histoire sont trop visibles: le temps parait donc bien long pour arriver au bout d'une intrigue dont on a compris les tenants et aboutissants depuis longtemps.

Tom Cruise est Jack Reacher, héros bad-ass pour lequel on pourrait bien s'enthousiasmer. Or, Cruise a beau être très bon pour casser des rotules et conduire (lui-même) des voitures lors de courses-poursuites, il ne parvient pas à donner le côté sombre indispensable au personnage. On sent pourtant qu'il s'est amusé comme un gamin et qu'il se marre à sortir les punchlines second degré.
Les personnages qui l'entourent ne sont pas super intéressants: Rosamund Pike (aperçue dans Une Education) joue l'avocate blonde faire-valoir de Reacher à la poitrine généreuse, David Oyelowo (Paperboy  et bientôt dans le Lincoln de Spielberg) un flic moins brillant que l'enquêteur. Et Jai Courtney, qui sera bientôt le fils de Bruce Willis dans le prochain Die Hard (qui sort en février 2013) et qui est donc en passe de devenir un nouveau M. Muscles.

Jack Reacher avait le potentiel d'un film décomplexé avec un héros sombre, sorte d'héritier de l'Inspecteur Harry. Il ne manque pas d'atouts comme l'humour décalé et sa très belle photo. Mais le sourire ultra-bright de Tom Cruise et le faux rythme qui s'installent empêchent de savourer pleinement.

La petite anecdote:
La série de romans de Lee Child dont Jack Reacher est le héros compte à ce jour 17 titres et 2 nouvelles.

Infos pratiques:
Jack Reacher
sorti le 26 décembre 2012 en France
réalisateur: Christopher McQuarrie
avec: Tom Cruise, Rosamund Pike, Robert Duvall, Richard Jenkins, David Oyelowo, Jai Courtney
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19417566&cfilm=111473.html 

jeudi 27 décembre 2012

J'ai été voir... Main dans la main


Comme beaucoup de spectateurs, j'avais été touchée par La Guerre est déclarée, le précédent film de Valérie Donzelli, qui racontait l'histoire d'amour d'un couple faisant face à la maladie de leur petit garçon.
Pour Main dans la main, plus léger mais traitant également du sentiment amoureux, Jérémie Elkaïm est à nouveau sur le devant de la scène, accompagné de Valérie Lemercier, une amie de longue date de la réalisatrice et de l'acteur (qui sont co-scénaristes ici).

Quand Joachim Fox, miroitier de province, vient prendre des mesures à l'Opéra Garnier, il rencontre Hélène Marchal, la directrice de l'école de danse. A partir de ce moment et sans explication rationnelle, ils ne peuvent plus se séparer.

Le thème de Main dans la main est donc l'amour fusionnel et il permet à la réalisatrice de nous donner sa vision très personnelle du sujet. Le fait que Jérémie Elkaïm, son ancien compagnon, soit le héros des trois films qu'elle a réalisé, laisse d'ailleurs à penser qu'elle a des choses à dire sur la difficulté à terminer une histoire d'amour...

Pendant toute une première partie, le ton est léger, parfois burlesque. On se prend au jeu du mimétisme forcé entre Joachim et Hélène. Même si certaines scènes sont un peu agaçantes, on sourit aux stratagèmes et à l'énergie qui se dégage du film.
Puis démarre une deuxième partie, plus sérieuse, davantage dans la réflexion et qui manque de fraîcheur. Là où le dynamisme des 45 premières minutes donnaient un charme un peu décalé à l'histoire, on se demande franchement où on va dans cette seconde moitié.

Jérémie Elkaïm est donc filmé par une réalisatrice amoureuse de lui et s'il ne livre pas une performance éblouissante, il s'en sort plutôt bien pour incarner ce jeune homme pris au piège entre sa soeur, sa vie rêvée et ce qu'il ressent pour Hélène. Ne l'ayant que brièvement aperçu dans Polisse, il lui reste sans doute à confirmer que sa palette est plus large qu'il n'y paraît.

Le charme du film repose quasi entièrement sur Valérie Lemercier qui rayonne littéralement. Élégante, fragile, amoureuse, on se demande ce qu'elle va encore faire dans des films comme Astérix et Obélix: Au service de sa majesté...

On tourne vite en rond après avoir épuisé le potentiel comique de la situation initiale (les deux personnages inséparables). Les personnages secondaires gravitent autour du couple sans vraiment y apporter grand chose. Quant à la voix off qui nous guide, elle ne donne que des informations évidentes et devient donc désagréable.

La BO est en revanche plutôt réussie: alors que Main dans la main a pour décor l'Opéra Garnier (ce qui donne par ailleurs très envie d'aller le visiter), les morceaux sont plutôt pop et colorés.

Difficile pour Valérie Donzelli d'enchaîner après le phénomène La Guerre est déclarée (800 000 entrées, projection à Cannes en 2011). Main dans la main peine à remplir cette mission malgré une sincérité évidente de la réalisatrice et des deux acteurs principaux.

La petite anecdote:
Le morceau d'ouverture (et de la bande annonce), c'est Electricty d'OMD.

Infos pratiques:
Main dans la main
sorti le 19 décembre 2012 en France
réalisatrice: Valérie Donzelli
avec: Valérie Lemercier, Jérémie Elkaïm, Valérie Donzelli, Béatrice de Staël
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19421348&cfilm=197074.html 


mercredi 19 décembre 2012

J'ai été voir... Le Hobbit: Un Voyage Inattendu


D'après le titre, ce voyage est inattendu. Ce n'est pas le cas du film qui est en préparation depuis des années et dont la gestation a connu de nombreux rebondissements (conflit sur les droits d'auteur, grève des scénaristes, presque faillite de la MGM, etc.). Après avoir été pendant quelques temps dans les mains du réalisateur Guillermo Del Toro (Hellboy, Le Labyrinthe de Pan), c'est finalement Peter Jackson himself qui repasse derrière la caméra.

Le Hobbit: Un Voyage Inattendu est adapté du 1er roman que J.R.R. Tolkien Bilbo le Hobbit a écrit dans les années 1920 pour divertir ses propres enfants. Ce roman lui servira de base pour la trilogie Le Seigneur des Anneaux, plus sombre et plus complexe, qui connaîtra un succès planétaire, en librairie et au cinéma (3 films, 30 nominations, 17 oscars).

Le Hobbit: Un Voyage Inattendu est donc le 1er volet d'une nouvelle trilogie où l'on suit Bilbo Baggins, hobbit de la Comté emmené presque malgré lui par le magicien Gandalf et une compagnie de treize nains dans leur voyage vers la Montagne Solitaire pour reconquérir le trésor gardé par le dragon Smaug.

Le roman original ne dépassant pas 300 pages, j'avais des doutes sur la possibilité de le transformer en trois films de 3h. Et pourtant, ça marche. Peter Jackson a intelligemment choisi d'intégrer des éléments seulement évoqués dans le roman et d'autres qu'il avait omis dans sa trilogie Le Seigneur des Anneaux

Le Hobbit: Un Voyage Inattendu plaira donc sans doute aux fans de la 1ère trilogie qui retrouveront avec plaisir l'atmosphère et même certains personnages de la Terre du Milieu. Les références et les clins d'oeil sont nombreux, et parfois exagérés. Cela crée en revanche l'agréable sensation de revenir après 10 ans dans un pays qu'on avait beaucoup aimé lors d'une première visite.
Les liens avec Le Seigneur des Anneaux sont d'ailleurs plus profonds que les allusions. On remonte littéralement 60 ans avant le début de La Communauté de l'Anneau et on comprend comment certaines choses se sont mises en place (comment Bilbo a-t-il récupéré l'anneau, les prémices du retour de Sauron, etc.).
Pour ceux qui n'avaient pas adhéré à l'univers en revanche, je doute qu'ils trouvent leur compte ici.

Les paysages de la Nouvelle-Zélande sont toujours aussi magnifiques filmés par l'enfant du pays. Certaines scènes sont franchement impressionnantes visuellement, des batailles souterraines aux orages en montagnes, on s'accroche plus d'une fois à ses lunettes 3D. Même si on n'a plus l'effet de surprise, l'univers de Tolkien vu par Peter Jackson est toujours aussi bluffant et détaillé.

Le ton général de ce Hobbit: Un Voyage Inattendu est une bonne surprise: gai et léger, drôle sans être grotesque ou caricatural.
Martin Freeman qui interprète Bilbo apporte une touche britannique bienvenue et subtile. Il fait évoluer ce personnage central qui n'a pas demandé à prendre part à cette aventure mais qui y adhère car elle le transforme.
Les nains, quant à eux, n'endossent pas le rôle de bouffon qu'avait Gimli dans Le Seigneur des Anneaux. Ils sont 13, tous différents, le réalisateur nous les présente et nous les rend attachants. Thorin, leur chef, joué par Richard Armitage est franchement charismatique et incarne un nouveau héros.
On est même contents de retrouver Gollum, qui n'est pas encore tombé complètement du côté obscur de la force. Andy Serkis donne de nouvelles facettes à ce personnage qui est sans aucun doute l'un des plus intéressants de la Terre du Milieu.

Le Hobbit: Un Voyage Inattendu permet donc des retrouvailles très agréables, sous forme de grand spectacle, épique et majestueux.

La petite anecdote:
Les acteurs Ian Holm (Bilbo âgé), 81 ans et Christopher Lee (Saroumane), 90 ans ont tourné leurs scènes dans les studios londoniens Pinewood: leur état de santé ne leur permettait pas le voyage jusqu'en Nouvelle Zélande.

Infos pratiques:
Le Hobbit: Un Voyage Inattendu
sorti le 12 décembre 2012 en France
réalisateur: Peter Jackson
avec: Martin Freeman, Ian McKellen, Richard Armitage, Hugo Weaving, Cate Blanchett, Andy Serkis
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19404061&cfilm=119089.html 

mercredi 12 décembre 2012

J'ai été voir... Anna Karenine


1000 pages de littérature russe: Anna Karenine, le roman de Tolstoï est un monument qui a de quoi effrayer. Le propre des classiques étant qu'on a tous l'impression de les connaître mais qu'on s'en remet souvent aux interprétations d'autres personnes: des réalisateurs de cinéma aux auteurs de ces fameux livrets "Profils" qui nous ont sauvé la mise au lycée.

Joe Wright, réalisateur d'Atonement, d'Orgueil et Préjugés (tous deux avec Keira Knightley) mais aussi d'Hanna, est un habitué des adaptations littéraires. Il a ici réuni sa troupe habituelle (décoratrice, costumière, producteur, monteurs: tous ont déjà collaboré avec lui) ainsi que sa muse Keira Knightley et il nous livre sa vision d'Anna Karenine, une histoire "sur l'amour sous toutes ses formes" selon lui.

Au milieu des années 1870 à St Petersbourg, Anna Karenine a une situation parfaite: mariée à un fonctionnaire respecté, avec qui elle a un fils, elle évolue dans la haute société. A l'occasion d'une visite à son frère à Moscou, elle rencontre le Comte Vronski, officier de cavalerie, qui va faire basculer sa vie. 
En tentant de résumer l'intrigue, on se rend vite compte de sa richesse et de sa diversité: une seconde partie du film est consacrée à une autre histoire d'amour plus pure (entre Levine et Kitty).

L'originalité de l'approche de Joe Wright tient à son choix de mettre en scène son Anna Karenine dans un théâtre. Les décors changent, on passe d'une scène à l'autre en soulevant un rideau ou en glissant un paravent, on entre dans les paysages naturels en ouvrant une porte... Le réel et le théâtral se mélangent en une valse qui emporte le spectateur dans un tourbillon qui peut donner le vertige.

L'avantage de cette mise en scène est qu'elle libère de la contrainte de réalisme. Elle avertit aussi: on est au théâtre, faites appel à votre imaginaire! 
L'inconvénient c'est que la forme, majestueuse et virevoltante, a tendance à prendre le pas sur le fond. La passion romantique d'Anna est étouffée par les effets de manche et l'agitation dans laquelle elle se déroule. Difficile d'être emporté dans cette histoire d'amour qui constitue pourtant le coeur de l'action.
De même, ce qui se joue en Anna est moins exploré et même si le personnage évolue dramatiquement, on ne s'y attarde que peu.

Le spectacle visuel est donc au rendez-vous. On pense parfois au Moulin Rouge  de Baz Luhrmann, pour le côté cirque, en plus sophistiqué.

Dans ce théâtre évoluent de nombreux personnages qui se complètent et se répondent. Le casting rassemblé par Joe Wright est relevé, se composant de stars ainsi que de visages déjà aperçus mais pas encore reconnus.
Rôle titre et central: Anna Karenine est interprété par Keira Knightley, qui semble être née pour porter le corset et les grandes robes d'époque. Elle est ici intense et donne beaucoup de subtilité à Anna, entre fragilité et cruauté. 
Son mari est interprété par Jude Law, vieillissant mais qui tient là un très beau rôle, cet homme contraint par ses principes mais qui se dévoile petit à petit.
Aaron Taylor-Johnson est le beau Comte Vronski et pour le reconnaître, imaginez-le avec des dread-locks (Savages).
Les séries TV en costumes ont également fourni quelques acteurs et actrices (Downton Abbey, Les Piliers de la Terre).

Tout ce beau monde est au service du style que Joe Wright a choisi de privilégier. Plus que les performance d'acteurs, cet Anna Karenine repose sur une façon de voir l'oeuvre de Tolstoï. Qu'on y adhère ou pas, on ne peut nier que le réalisateur y aura mis sa patte.

Désarmant, long, vertigineux, complexe, maîtrisé, quelques fois répétitif, romanesque, folkorique: ce film ne vous laissera pas indifférent.

La petite anecdote:
Bijoux, robes de bal et fourrures sont nombreux dans Anna Karenine. Le collier qu'Anna porte lors de la scène de bal a été prêté par Chanel, marque pour laquelle Keira Knightley avait tourné une publicité réalisée... par Joe Wright.

Infos pratiques:
Anna Karenine
sorti le 5 décembre 2012 en France 
réalisateur: Joe Wright
avec: Keira Knightley, Jude Law, Aaron Taylor-Johnson, Matthew McFadyen, Domhnall Gleeson
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19416020&cfilm=191856.html 

lundi 10 décembre 2012

J'ai été voir... Cogan, Killing Them Softly


"America is not a country, it's a business" ou comment, dans Cogan, Killing Them Softly, Andrew Dominik (L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Fordmet en scène l'individualisme Outre-Atlantique.

Jackie Cogan est employé par des caïds mafieux qui souhaitent faire le ménage après le braquage d'une salle de jeux illégale.

Cogan, Killing Them Softly est un polar désabusé. Là où les films noirs ou de mafia sont souvent sur vitaminés et parfois trop fatigants car trop plein d'énergie, ici on est aux antipodes du film hyper-actif. C'est long, c'est lent, c'est contemplatif...
Les tueurs à gage s'improvisent philosophes, les petites frappes se shootent à l'héroïne et planent... l'ennui n'est pas loin et une dizaine de personnes ont quitté la salle de cinéma avant la fin.

Cogan, Killing Them Softly est un concentré de violence gratuite. On est vite mal à l'aise, et pas dans le bon sens du terme où vous pouvez être interpellé dans le but de vous alerter et réfléchir. La vulgarité du langage se veut sans doute réaliste mais 50 minutes avec "fuck" dans toutes les phrases, ça écorche franchement les oreilles. Quand aux scènes de baston et d'assassinat, elles sont habilement mises en scène mais n'apportent rien.

Le scénario est minimal et on ne trouve pas de justification à ces scènes de violence. Là où Drive parvenait à créer une atmosphère autour de ses personnages, Cogan, Killing Them Softly échoue à nous emmener dans son univers.

Brad Pitt est pourtant très bien dans son rôle (central) de tueur à gages moins bête que les gens qui l'entourent et cynique jusqu'à la moelle. On reconnaît également quelques visages issus de la série Les Sopranos comme James Gandolfini en tueur looser.

Les références au modèles américain ne sont pas du tout subtiles et passent par des extraites du discours de campagne d'Obama en guise de bande-son. Mais on ne nous guide pas dans cette réflexion et ça tombe franchement comme un cheveu sur la soupe...
Film de crise économique et du désenchantement? peut-être mais si on doit se débrouiller tout seul pour comprendre le message, je trouve ça dommage.

L'humour manque cruellement tout au long du film; là où on aurait pu basculer dans l'absurde. On sent pourtant l'influence d'un Tarantino dans la violence outrancière ou des frères Cohen dans les situations foireuses. 
Mais Cogan, Killing Them Softly tourne à vide sans histoire à laquelle se raccrocher et donc sans logique.

La petite anecdote:
Cogan, Killing Them Softly était en compétition à Cannes pour le festival 2012 mais est reparti bredouille.

Infos pratiques:
Cogan, Killing Them Softly
sorti le 5 décembre 2012 en France
réalisateur: Andrew Dominik
avec: Brad Pitt, James Gandolfini, Scoot McNairy, Ben Mendelsohn, Ray Liotta, Richard Jenkins
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19424245&cfilm=187420.html 

vendredi 7 décembre 2012

J'ai été voir... Royal Affair


Fresque historique doublement primée lors du dernier Festival de Berlin et représentant le Danemark dans la catégorie "Film étranger" aux prochains Oscars , Royal Affair a fait parler de lui avant sa sortie.

1770, le jeune roi du Danemark Christian VII est névrosé et préfère se laisser aller à la débauche que gérer son pays et passer du temps avec sa femme, l'anglaise Caroline Mathilde. Jusqu'à ce qu'il rencontre le médecin allemand Johann Struensee, secrètement adepte des principes des Lumières. Celui-ci va réussir à calmer le souverain, influencer la Cour, et séduire la Reine.

Le réalisateur Nikolaj Arcel a été co-scénariste du succès danois adaptation de la trilogie Millenium (révélant Noomi Rapace). Il a choisi ici de nous raconter cet épisode oublié en dehors du Danemark: 20 ans avant la Révolution française, des réformes progressistes avaient été tentées.
Il y a donc un intérêt historique à voir Royal Affair où on apprend que Voltaire lui-même a salué les efforts de cette monarchie en avance sur le reste de l'Europe.

Le problème est que le rythme fait cruellement défaut et que les 2h20 paraissent très longues devant cette reconstitution, certes fidèle et esthétiquement réussie, mais laborieuse.

La richesse du film repose sur ses trois acteurs principaux, qui mettent leur énergie au service des trois personnages centraux et de l'intrigue politico-amoureuse qui sous-tend le scénario.
La belle suédoise Alici Vikander, également actuellement à l'affiche de Anna Karénine, prête sa grâce et sa jeunesse à la reine Caroline.
La révélation de Royal Affair est sans doute Mikkel Boe Folsgard, récompensé par l'Ours d'Argent à Berlin pour son interprétation de Christian VII, roi-bouffon malade et dépassé par les évènements.
Enfin on retrouve avec plaisir Mads Mikkelsen (qui avait joué Le Chiffre dans Casino Royale): magnétique, à la fois inquiétant, intelligent et charismatique.

L'atmosphère est grise dans cette cour du Danemark. Alors qu'à la même époque, Marie-Antoinette affole Paris, la vie à Copenhague n'a pas l'air bien gaie. Ciel bas, tentures lourdes, bois sombres, c'est pesant.

Surtout, même aux moments les plus passionnés de la narration, on ne s'emballe pas. Il manque ces envolées romantiques auxquelles on s'attend. Retenue nordique ou réalisation trop timide, on se sent frustré, malgré des acteurs impeccables.
Pour le côté épique, on parie donc sur Anna Karénine, autre film d'époque actuellement à l'affiche.

La petite anecdote:
Sachez que si vous croisez Mads Mikkelsen dans la rue et que vous voulez qu'il se retourne, son nom se prononce Mass Meguelsnn.

Infos pratiques:
Royal Affair
sorti le 21 novembre 2012
réalisateur: Nikolaj Arcel
avec: Mads Mikkelsen, Alicia Vikander, Mikkel Boe Folsgard
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19370532&cfilm=143759.html 


vendredi 30 novembre 2012

J'ai été voir... Comme des Frères


Sur le papier, j'étais pas super emballée. Ça sentait fort Les Petits Mouchoirs bis (que j'ai bien aimé mais bon...). Qu'est-ce que c'est agréable d'avoir une bonne surprise!

Charlie, la meilleure copine de Max, Elie et Boris, décède. Alors, comme ils le lui ont promis, et même s'ils n'ont pas grand chose en commun à part cette nana/ex/pote/soeur de substitution, ils partent en voyage ensemble.

Comme des Frères est donc un road-movie, décor principal: la voiture et ses différents arrêts en cours de route. Tout tourne autour de ces 3 personnages, avec quelques apparitions (lumineuses) de Charlie/Mélanie Thierry.
C'est l'alchimie entre les trois acteurs qui rend crédible toute la dynamique du film. Car l'originalité est là: ces 3 potes ont respectivement 20, 30 et 40 ans. Et on parle d'amitié à tous les âges.

Pierre Nimey, 23 ans et plus jeune sociétaire de la Comédie Française; Nicolas Duvauchelle, 32 ans, plus connus pour ses rôles dans des films d'auteur (Hell, Les Corps Impatients, ou récemment Polisse) que pour son registre comique; François-Xavier Demaison, 39 ans, découvert grâce à son one-man show. 
Voilà le casting réuni par le réalisateur Hugo Gélin pour son premier film. Et ça marche! 
Demaison joue tout en retenue mais dégaine les vannes sur le bon ton. Duvauchelle s'ouvre à un rôle moins tourmenté et est toujours aussi fin dans son interprétation (je ne suis pas 100% objective pour Duvauchelle, sur qui j'ai craqué il y a longtemps dans Avril). Quant à Pierre Niney, avec ses grands yeux et son visage si expressif, il campe ce grand enfant avec beaucoup de fantaisie.

Le trio bénéficie également d'un scénario très bien écrit, qui nous livre les clés de l'histoire petit à petit. Tout comme ces copains qui se découvrent au fur et à mesure de leur voyage, on chemine avec eux.
Dernier petit plus, la BO est très sympa, composée par le groupe Revolver (un trio...)

On écrase sa larme par moment, le sujet ne permettant pas d'éviter certaines scènes sentimentales. Mais chacun sera touché à des moments différents du film. Comme des Frères reste un film de potes et l'humour distillé au gré des répliques cinglantes sauve les scènes qui pourraient déraper dans le pathos.

On évite pas non plus certains moments un peu téléphonés et une morale de l'histoire qui ne fait pas dans la dentelle, mais à moins d'être très cynique, vous devriez passer un bon moment. 
En tous cas en sortant du ciné, peut-être que vous aurez, comme moi, envie d'appeler quelques uns de vos copains pour leur dire que vous les aimez fort.

La petit anecdote:
Pour créer la complicité entre les acteurs, François-Xavier Demaison a invité ses acolytes à une lecture du script dans la maison dans le Sud de la France. Ce week-end, qu'ils qualifient de "week-end de désintégration" a donné le ton pour le reste du tournage...

Infos pratiques:
Comme des Frères
sorti le 21 novembre 2012 en France
réalisateur: Hugo Gélin
avec: Mélanie Thierry, Pierre Niney, Nicolas Duvauchelle, François-Xavier Demaison
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19416386&cfilm=196809.html 

mercredi 21 novembre 2012

J'ai été voir... Rengaine


Il faut parfois des films pour vous rappeler ce qui fait la diversité du cinéma. Et j'aime pouvoir retourner voir Skyfall pour la deuxième fois dimanche et voir Rengaine mardi.

Rengaine, c'est un conte qui nous présente l'histoire d'un couple, à Paris, aujourd'hui. Elle est arabe musulmane, lui noir chrétien. Ils veulent se marier. Mais les 40 frères de Sabrina ne sont pas tous d'accord.

Dans les articles consacrés à Rengaine dans les médias, on parle surtout de la galère de son réalisateur, Rachid Djaïdani, qui a mis 9 ans pour sortir son film.
Pas de budget, pas de producteur, pas de distributeurs... mais finalement, un jour, un texto "Rengaine est sélectionné pour la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes". S'il croit d'abord à une mauvaise blague, Djaïdani comprend vite que c'est la lumière au bout du tunnel.

Rengaine est donc un film fait à la force du poignet, filmé caméra à l'épaule avec très peu de moyens. Le résultat à l'écran peut déstabiliser: uniquement des gros plans, on est très près des visages; l'image est assez instable et provoque même le mal de mer; le grain fait penser aux films amateurs.
Mais le sujet touche (le rejet de ce qui est différent, par principe, sans même chercher à connaître), les acteurs sont impeccables (en tête Slimane Dazi, qui a une "gueule" comme on dit, et qu'on avait vu dans Un Prophète), le montage est précis et impose son rythme.

Tout n'est pas réussi et certains effets de narration sont superflus. Cela n'atténue pas la sensation d'assister à quelque chose de différent, à une autre façon de faire du cinéma.

Rengaine manque parfois de distance et devient étouffant. On se prend à rêver d'un plan large qui nous permettra de souffler. C'est un peu comme si on vous mettait un objet inconnu juste sous le nez, que vous pouviez l'observer sous toutes ses facettes mais pas à plus de 3 cm de vos yeux. Difficile d'avoir une vue d'ensemble...

Il se dégage une énergie brute, qui est au service du thème traité, la défense virulente de la laïcité. Djaïdani choisit de montrer le ridicule comique des réactions primitives de ces 40 frangins. 
Ces 40 frères, une bonne trouvaille selon moi, qui place Rengaine dans le domaine des contes et qui du coup n'a pas à se justifier ou être 100% crédible.
40 frères, c'est sans doute aussi l'occasion pour le réalisateur de faire jouer tous ses potes...

Rengaine est donc un OVNI ciné qui ne plaira pas à tout le monde mais qui nous rappelle que certains sont prêts à investir 9 ans pour pouvoir nous raconter à nous, leurs histoires à eux.

La petite anecdote:
Le tournage s'est étalé sur plusieurs années, donc sur plusieurs saisons. Parmi les 200h de rush avant le montage Djaïdani eu de quoi monter une version "hiver" de Rengaine mais il a finalement choisi la version estivale.*

Infos pratiques:
Rengaine
sorti le 14 novembre 2012 en France
réalisateur: Rachid Djaïdani
avec: Slimane Dazi, Sabrine Hamida, Stéphane Soo Mongo
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19405790&cfilm=199158.html 

vendredi 16 novembre 2012

J'ai été voir... Argo


"La seule différence entre la réalité et la fiction, c'est que la fiction doit être crédible". Au risque de transformer ce blog en dictionnaire de citations, je trouve cette remarque de Mark Twain très adaptée pour parler d'Argo.

En 1979, les employés de l'ambassade américaine à Téhéran sont pris en otage par des étudiants iraniens qui veulent que les USA extradent le Shah. Six diplomates parviennent à s'échapper et se réfugient dans la résidence de l'ambassadeur du Canada. La CIA met alors sur pied un plan improbable pour les sauver: ils vont devenir une équipe de tournage en repérage pour un film hollywoodien.

Derrière l'étiquette "inspiré de faits réels" peut se cacher tout et n'importe quoi. Ben Affleck, qui signe ici sa 3ème réalisation après Gone Baby Gone et The Town, a l'intelligence de ne pas transformer Argo en reconstitution historique. Certes l'anecdote est vraiment arrivée, mais elle est le prétexte à un scénario construit et solide, pas une fin en soi.

L'avantage de savoir que cette histoire est réelle (ou presque: on sent bien que certains aspects ont été dramatisés), c'est qu'on ne la remet pas en question. Là où on accuserait un scénariste d'imagination trop débordante, la réalité rattrape la fiction. Et on se régale.

Argo mêle donc thriller politique et humour efficace. On rit volontiers de l'énormité du plan proposé comme de ses protagonistes (John Goodman et Alan Arkin s'en donnent à coeur joie). L'auto-dérision fonctionne et ne gâche en rien la tension dramatique créée par la situation des Invités, les 6 diplomates en question.

Affleck nous plonge au début des années 80 avec un soucis du détail dont on ne perçoit l'ampleur que quand on compare les images du film aux images d'archive.

Pour comprendre le contexte historique d'Argo, le résumé est rapide et sans doute très simplifié (30 ans de relations américano-iraniennes en 3 minutes...). Il nous situe néanmoins l'intrigue dans un environnement plus large et nous renvoie également à l'actualité.
On ne ressort pas expert géopolitique de l'Iran et on pourra sans doute déplorer les raccourcis un peu caricaturaux et peu nuancés: les iraniens semblent tous barbus et très énervés.

La narration est fluide et même si on compte quelques longueurs à mi-parcours, Ben Affleck maîtrise son sujet, aussi bien visuellement que dans sa direction d'acteurs.

Il a en effet su s'entourer. Bryan Cranston (vu dans la série Breaking Bad et récemment dans Drive) et les six acteurs qui interprètent les Invités sont impeccables.
On se demande simplement pourquoi il a choisi d'interpréter lui-même le rôle principal... Sa prestation n'est pas mauvaise mais pas extraordinaire non plus. A le voir à l'écran, on a l'impression qu'il ne passe pas complètement le cap d'acteur à réalisateur. Il semblerait que des conflits d'emploi du temps aient empêché Brad Pitt de rejoindre le projet...
Autre grand nom au générique, George Clooney qui est producteur.

Argo rassemble beaucoup d'éléments que le cinéma américain réussit très bien: une intrigue haletante qui mène le spectateur par le bout du nez et une pointe d'ironie qui complète le divertissement.
L'ensemble est donc clairement une réussite et donne envie d'en voir plus de la part de cet acteur-réalisateur qui semble avoir de belles choses à nous raconter.

La petite anecdote:
Comme montré dans Argo, le panneau si célèbre "Hollywood" était en mauvais état en 1978. Des fonds ont été levés pour le rénover et les donateurs sont plutôt... surprenants. Hugh Hefner (fondateur de Playboy) a financé le Y, le chanteur de hard rock Alice Cooper a payé pour un O et c'est la Warner qui a réglé pour un autre O.

Et si vous souhaitez un regard complémentaire sur la vraie histoire d'Argo, c'est ici

Infos pratiques:
Argo
sorti le 7 novembre 2012 en France
réalisé par : Ben Affleck
avec: Ben Affleck, Bryan Cranston, John Goodman, Alan Arkin
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19402653&cfilm=190267.html  

lundi 12 novembre 2012

J'ai été voir... Looper


Cette fin 2012 est riche en bons films et Looper fait clairement partie de ceux qu'ils ne faut pas rater.
C'est la 3ème réalisation de Rian Johnson qui explore un nouveau mélange des genres, entre action et science-fiction et qui rassure sur la capacité d'Hollywood à parier sur des idées nouvelles.

Dans un futur proche la machine à voyager dans le temps a été inventée mais elle n'est utilisée que par la Mafia qui s'en sert pour assassiner, dans le passé, ceux qu'elle veut faire disparaître dans le futur. Ces assassinats, c'est le job de Joe, un "looper". Jusqu'à ce qu'il se retrouve face à lui-même (avec 30 ans de plus)...

Il est difficile d'expliquer simplement ces allers-retours dans le temps qui font la base de Looper. C'est pourtant très clair dans la narration et on ne s'arrache jamais les cheveux pour savoir où on en est. Grâce à un scénario très bien écrit, le concept pourtant délicat du voyage dans le temps permet un film complexe dans le bon sens du terme, le spectateur n'étant jamais pris pour un idiot. Le réalisateur n'oublie pas non plus le divertissement en injectant des scènes d'action justifiées et spectaculaires et un humour distillé au bon moment.

Le monde de science-fiction créé par Johnson (scénariste en plus d'être réalisateur) est très proche du notre et résonne des problématiques du XXIème siècle. Port d'arme généralisé, crise économique: ces dérives ont mené à une dictature de la mafia et de ses milices. 

Looper nous balade de manière très fine à la limite du présent et du futur en faisant se rencontrer le Joe actuel et le Joe âgé de 30 ans de plus. On assiste alors à un numéro d'équilibriste qui pourrait rapidement dérailler. Mais le film tient debout et solidement.

La version jeune du looper est interprétée par Joseph Gordon-Lewitt, qui donne beaucoup de profondeur à ce personnage paumé, pas prêt à se remettre en question mais qui se bat pour avoir droit à son futur. 
En face de lui, c'est Bruce Willis qui tient là une de ses meilleures performances depuis longtemps. A la fois colosse physique donnant de la crédibilité aux scènes d'action et personnage conscient du chemin parcouru, il est bouleversant quand il va au bout de ce qu'il pense être la seule voie possible.
La ressemblance physique entre les deux n'est pas évidente mais le maquillage et surtout le travail de Gordon-Lewitt au niveau des intonations et des petits détails (comme le sourire en coin) fait que le spectateur accepte sans problème ce double Joe.

Looper est construit en deux parties: une fois qu'on a compris l'univers général et comment il fonctionne, Johnson nous raconte une histoire plus profonde, mettant en scène ses personnages, sans distinguer les méchants et les gentils. On est embarqués de façon très progressive jusqu'à un final qui paraît tellement logique qu'on se demande comment on y a pas pensé plus tôt. 

Looper est un film riche de références cinématographiques et chacun y repérera les clins d'oeils qui lui parlent. Tarantino n'est pas loin, Matrix non plus et il semblerait même que certains personnages soient directement inspirés de mangas japonais.

Alors que beaucoup de films actuels sont des remakes, des adaptations de romans ou des biopics, Looper est tout simplement nouveau et la surprise est d'autant plus agréable.
Un des meilleurs films de l'année!

La petite anecdote:
Joseph Gordon-Lewitt a fêté ses 30 ans sur le tournage: alors qu'il était suspendu en l'air avec un filin pour l'une des scènes, l'équipe lui a apporté un gâteau et chanté "Joyeux anniversaire".
Et pour le plaisir des yeux, la vidéo de son apparition dans l'émission Saturday Night Live, où il joue une des scènes de Magic Mike: http://www.youtube.com/watch?v=Mq1tdQkTPKA 

Infos pratiques:
Looper
sorti le 31 octobre 2012 en France
réalisateur: Rian Johnson
avec: Joseph Gordon-Lewitt, Bruce Willis, Emily Blunt, Paul Dano, Jeff Daniels
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19384410&cfilm=139291.html 

jeudi 8 novembre 2012

J'ai été voir... Frankenweenie


Cette année, Halloween était un mercredi.
Ça tombait bien pour Tim Burton qui a pu sortir Frankenweenie le jour même et profiter ainsi de l'atmosphère "monstres et morts-vivants" (et des vacances de la Toussaint).

Les fans inconditionnels du réalisateur (ainsi que les personnages ayant visité l'expo qui lui était consacrée début 2012 à la Cinémathèque à Paris) savent que Frankenweenie est l'un des premiers courts métrages qu'il a réalisé en 1984 et qui lui a valu d'être viré de chez Disney.
28 ans plus tard, la boucle est bouclée puisque c'est Disney qui produit ce remake en version longue. Toujours en noir et blanc, c'est cette fois en animation image par image que Burton réinterprète à sa façon le mythe de Frankenstein.


Frankenweenie raconte l'histoire de Vincent, jeune garçon solitaire qui va ressusciter son chien  Sparky, décédé brutalement.


On retrouve dans ce film le meilleur de Tim Burton.
Dans la thématique tout d'abord: la mort, les monstres, la différence, l'enfance.
Visuellement également, pas de doute possible. Les personnages de Frankenweenie ont forcément un lien de parenté avec ceux des Noces Funèbres ou de Beetlejuice
Le décor également: New Holland, petite ville américaine proprette et bien pensante rappelle celle dans laquelle vit Edward aux Mains d'Argent.

On plonge donc avec plaisir dans cet "univers Burton" si reconnaissable, entre humour macabre, héros décalés et poésie bancale.

Frankenweenie est un film plein de références. Burton renvoie non seulement à ce court métrage qu'il peaufine, aux autres films qu'il a réalisé depuis mais également à des films d'épouvante auxquels il rend hommage. Godzilla, La Fiancée de Frankenstein, il multiplie les clins d'oeil et on se prend au jeu.

La galerie de personnages qui peuple Frankenweenie est très bien trouvée. Tous les enfants sont attachants, biscornus et inquiétants à souhait. Avec un gros coup de coeur pour la propriétaire du chat, tout simplement géniale.
L'humour sombre plaira aussi bien aux parents qu'aux enfants (de plus de 10 ans quand même, sous peine de cauchemars)

Pour finir, le film est beau. La 3D donne de la transparence au noir et blanc et permet à Burton de jouer encore plus sur les ombres. Il arrive même à donner un coté rétro à la 3D, comme dans ces séries B des années 60 qu'il fallait regarder avec des lunettes en carton aux verres rouge et vert.

J'avais été très déçue par Dark Shadows, n'y retrouvant pas la magie bizarre que j'attends chez Tim Burton. Elle est ici au rendez-vous.

Certes, ce n'est pas une création originale puisqu'il reprend un de ses films précédents. Les détracteurs se demanderont donc si le réalisateur est encore capable des coups de génie qui ont fait sa marque de fabrique au début des années 90. Ce que Frankenweenie confirme, c'est que si on le laisse jouer selon ses propres règles, Tim Burton est bien un artiste à part.

La petite anecdote:
Plutôt qu'une anecdote sur le film, un lien vers un site qui revisite les affiches des grands classiques du cinéma, version minimaliste:  http://www.worth1000.com/contests/25589/minimalist-movie-posters

Infos pratiques:
Frankenweenie
sorti le 31 octobre 2012 en France
réalisateur: Tim Burton
avec (les voix de): Winona Ryder, Charlie Tahan, Martin Landau
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19361629&cfilm=132661.html

lundi 5 novembre 2012

J'ai été voir... Skyfall


"Mr. Bond, vous avez la fâcheuse habitude de survivre", Octopussy (1983)
Pour la 23ème fois en 50 ans, c'est le retour de l'espion britannique le plus connu du cinéma.

Que l'on soit ou pas adepte de 007, la sortie d'un James Bond est un évènement.
Casino Royale en 2006 avait relancé la licence qui s’essoufflait sérieusement et était passée très près de la fin. On oubliera volontiers Quantum of Solace (2008) dont on mettra la pauvreté sur le compte de la grève des scénaristes.
C'est donc la 3ème apparition de Daniel Craig en James B(l)ond et c'est une belle réussite.

Après une mission qui tourne mal, c'est tout le MI-6 qui est remis en cause. Bond doit donc venir en aide à M dans un monde qui change et dans lequel il n'a peut-être plus sa place...

Skyfall démarre sur les chapeaux de roues et rien que le générique et la chanson d'Adèle valent le déplacement.

Sam Mendes, réalisateur oscarisé pour American Beauty, est aux commandes. C'est peu de dire qu'il était attendu au tournant, n'étant pas du tout connu pour des scènes d'action. Mais il réussit à nous emporter dans une histoire beaucoup plus profonde et une réflexion sur le personnage de Bond. Le film dure 2h20 et on s'en rend agréablement compte: j'avais plaisir à passer ce temps-là dans ce film.

C'est bien à une relique d'un monde qui n'existe plus qu'on a affaire. Sexiste, indestructible, équipé de gadgets improbables, la recette 007 a été épuisée et Skyfall s'applique à la renouveler. On multiplie donc les clins d'oeil et les références aux 22 films précédents de manière à dépoussiérer le mythe. J'ai personnellement trouvé que ça marchait très bien.

Skyfall est un film plus psychologique dans les thèmes qu'il aborde (la vieillesse, l'héritage, etc.) mais rassurez-vous, ça reste un film d'action! Là où Mendes est crédible, c'est que les cascades ne sont pas une fin en soi mais sont au service de l'histoire.

Le réalisateur s'est entouré de pointures à tous les niveaux: la photo est assurée par Roger Deakins et certaines scènes sont sublimes (Shanghai et Macao en particulier); ils sont trois au scénario puisque John Logan est venu renforcer le duo Neal Purvis - Robert Wade qui travaille sur les James Bond depuis 1999.

Daniel Craig quant à lui confirme qu'il a les épaules et le flegme nécessaire pour porter avec confiance le costume (ici signé Tom Ford) de 007. C'est même lui qui a proposé le réalisateur Sam Mendes aux producteurs, preuve qu'il s'est totalement approprié le rôle et qu'il s'y projette. 

Ce qui fait un James Bond, c'est aussi:
1) les James Bond girls: elles sont évidemment superbes ici (Naomie Harris et Bérénice - cocorico - Marlohe), même si les puristes trouveront qu'on ne les voit pas assez.
2) le méchant et c'est pour moi LA réussite de Skyfall: Javier Bardem est magistral en Silva, adversaire miroir de Bond, troublant, détestable et semant le doute autant que la destruction.

Il reste donc le meilleur de 007: son humour, son énergie et ses beaux accessoires (voitures et nanas), mais il reste aussi le sentiment de repartir sur de nouvelles bases pour donner ce qu'il manquait à Bond: une nouvelle jeunesse.

La petite anecdote:
La saga James Bond est une histoire de famille.
A la production, on retrouve Barbara Broccoli et son frère Michaël J. Wilson qui ont pris la succession de leur père Albert R. Broccoli, producteur des 007 depuis les débuts jusqu'en 1989.
Aux cascades, c'est la famille Powell qui figure au générique de tous les James Bond depuis Dr No: dans Skyfall, c'est Gary Powell qui double Daniel Craig, alors que son père, son oncle et son frère ont fait de même depuis les années 60.

Infos pratiques:
Skyfall
sorti en France le 26 octobre 2012
réalisateur: Sam Mendes
avec: Daniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem, Ralph Fiennes, Albert Finney, Naomie Harris, Berenice Marlohe, Ben Whishaw
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19378475&cfilm=145646.html 





lundi 29 octobre 2012

J'ai été voir... Paperboy


Paperboy avait créé en mai dernier des remous du côté de la Croisette où il était présenté en compétition officielle du Festival de Cannes. Nombreux étaient ceux qui se demandaient tout simplement comment il avait pu être sélectionné... L'une des raisons est sans doute son casting, qui garantissait une montée des marches glamour à souhait (Nicole Kidman, Matthew McConaughey, Zac Efron).
J'avais donc envie de m'en faire ma propre opinion.

Paperboy raconte l'enquête menée par un journaliste (Matthew McConaughey) pour innocenter un pauvre type (John Cusack) accusé un peu précipitamment du meurtre d'un policier. Accompagné par son petit frère (Zac Efron) et à la demande de la copine du taulard (Nicole Kidman), il va donc revenir dans sa ville natale et tenter de comprendre ce qui s'est passé.

Le premier mot qui vient à l'esprit en parlant de Paperboy est "trash". Le réalisateur Lee Daniels (qui avait réalisé Precious en 2009) ne nous épargne rien et prend même un malin plaisir à nous mettre en face de scènes difficiles à digérer.

Le scénario n'est d'ailleurs qu'un prétexte pour explorer les facettes déviantes et les parts d'ombre des personnages. Du coup, on est vite perdus dans l'histoire et on a la sensation de perdre le fil, ce qui est désagréable. Trop de petits morceaux d'histoire(s) qui ne s'emboîtent pas bien et qui ne sont pas aboutis.

Esthétiquement, Daniels pousse les références aux années 70 à fond. Couleurs criardes, costumes bariolés, musique: pas de doute, on est en 1969.
Les thèmes abordés sont d'époque également: racisme sous-jacent, homosexualité refoulée, etc. Sauf qu'à vouloir parler de trop de choses, le film s'éparpille et perd de son intensité.

En revanche, il reste une constante qui dure 1h50: le côté poisseux.
L'action se situe en Floride, dans ce sud bouseux des Etats-Unis qui a été filmé tant de fois qu'on a l'impression de le connaître sans y avoir pourtant jamais mis les pieds. L'atmosphère, chaude et humide, vous prend à la gorge et ne vous lâche pas.
Le bayou de Floride étant visiblement un endroit approprié pour grandir avec une case en moins, les protagonistes de Paperboy sont tous un peu barrés.

Pour les interpréter, Lee Daniels a mis sur pied un casting solide (et glamour donc) qui le suit sans complexe dans ses scènes tordues.
Tout d'abord Nicole Kidman qui écorche avec plaisir son image de diva froide en interprétant avec une grande fragilité ce personnage très ambigu de bimbo vieillissante obsédée par les prisonniers. Trois scènes ont particulièrement fait couler l'encre des critiques, pendant lesquelles elle flirte avec l'exhibitionnisme (on vous laissera identifier les moments en question).
John Cusack, malgré peu de temps à l'écran, campe un type complètement taré, le cheveux sale, l'esprit tordu et le regard vide.
Zac Efron, lui, saute dans la cour des grands. Après les films pour adolescentes qui l'ont lancé (High School Musical 1,2 et 3, 17 ans encore ou Happy New Year), il ne livre pas ici la performance du siècle mais donne à voir un potentiel. On a en revanche de temps en temps l'impression que Daniels le filme davantage pour ses abdos et pour le fantasme qu'il représente que pour son jeu.
Enfin Matthew McConaughey, encore une fois en grande forme, nous régale avec le personnage de Ward Jansen, très juste dans sa recherche des limites. On ne se lasse pas de le voir aussi souvent en 2012 (Magic Mike, Killer Joe et bientôt Mud de Jeff Nichols)

C'est donc là que se trouve le plaisir, un peu pervers, du spectateur de Paperboy: voir de bons acteurs aller jusqu'au bout du challenge que leur propose un réalisateur qui n'a pas peur de faire dans le cra-cra. Même si le résultat est globalement vulgaire et dérangeant, il est aussi captivant. 
Pervers on vous dit...

La petite anecdote
Paperboy est un roman de Peter Dexter, inspiré d'une histoire vraie.
L'adaptation a longtemps été entre les mains de Pedro Almodovar, qui a finalement décliné.

Infos pratiques
Paperboy
sorti le 17 octobre 2012 en France
réalisateur: Lee Daniels
avec: Nicole Kidman, Matthew McConaughey, John Cusack, Zac Efron
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19400197&cfilm=193901.html


jeudi 18 octobre 2012

J'ai été voir... Elle s'appelle Ruby


Au milieu de remakes et des adaptations de romans, il sort encore quelques films originaux, dont le scénario a été conçu pour le cinéma. Elle s'appelle Ruby est de ceux-là, et nous apporte un petit vent de fraîcheur.

Calvin a écrit un best-seller quand il avait 19 ans. 10 ans plus tard, il bataille avec sa dépression et ne trouve pas d'inspiration. En rêve, il rencontre sa femme idéale, il décide alors d'écrire à propos d'elle. Quand elle se matérialise en chair et en os dans sa cuisine, Calvin se demande s'il perd la tête où si c'est la chance de sa vie...

Elle s'appelle Ruby souffre de certains défauts, qui vous gêneront plus ou moins en fonction de votre envie de vous plonger dans l'univers du film.

Tout d'abord, il manque de rythme. On ne s'emballe jamais vraiment pour cette histoire d'amour pourtant extraordinaire (le type a quand même créé la femme de ses rêves!). Même quand on s'approche du dramatique, il manque une certaine excitation qui donnerait un côté piquant.

Autre défaut, on amasse les clichés et les caricatures. Nos héros sont ce qu'en France on appellerait des bobos donc ils font des balades à vélo et des barbecues... Mais on est à Los Angeles donc ils ont aussi des parents hippies (Annette Bening et Antonio Banderas, à contre emploi donc surprenants et plutôt bons) et font des sorties sur la plage. Tout ce qui est français est romantique (même Sylvie Vartan et Plastic Bertrand dans la BO) et tout le monde est beau et gentil (j'exagère à peine).
On ne tombe pas dans le romantisme dégoulinant mais on ne sort pas d'un cadre bien pensant et propre sur lui. Alors que le sujet (un auteur se rend compte qu'il peut faire faire ce qu'il veut et modifier à souhait sa copine) pouvait être poussé très loin, et Elle s'appelle Ruby manque finalement d'audace.

Ce dont le film ne manque pas, en revanche, c'est de tendresse. Le couple a l'écran Ruby-Calvin est joué par des acteurs en couple dans la vie Zoé Kazan (également scénariste) - Paul Dano (vu dans Little Miss Sunshine et There Will Be Blood). Il se dégage une sincérité certaine de l'histoire qu'ils nous racontent. Outre le fait que Zoé Kazan a sans doute introduit des éléments de leur propre histoire dans son scénario, elle traite aussi de sujets plus généraux qu'ils ont su interpréter avec sensibilité.

Un autre couple complète l'équipe: Jonathan Dayton et Valérie Paris, les réalisateurs. Ils n'avaient rien tourné depuis 6 ans et le succès de Little Miss Sunshine
De quoi parle un couple qui filme un couple? du Couple évidemment. Ici, on traite plus particulièrement de la place de l'individu dans le couple et de l'écart entre ce que l'on imaginait au départ et la réalité du quotidien. Tout ça est abordé de façon charmante et agréable.
On n'en ressort pas avec une leçon de vie mais avec un petit sourire et la sensation qu'on nous a raconté une jolie histoire d'amour un peu farfelue.

La petite anecdote:
Zoé Kazan est la petite fille d'Elia Kazan, réalisateur de Un Tramway Nommé Désir et A l'Est d'Eden (entre autres)
La mère de Zoé Kazan est Robin Swicord, scénariste nominée aux Oscars pour L’Étrange Histoire de Benjamin Button.

Infos pratiques:
Elle s'appelle Ruby
sorti le 3 octobre 2012 en France
réalisateurs: Jonathan Dayton, Valérie Paris
avec: Paul Dano, Zoé Kazan, Chris Messina, Anette Bening, Antonio Banderas
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19386573&cfilm=205375.html

lundi 8 octobre 2012

J'ai été voir... Diana Vreeland, The Eye Has To Travel


Et si on se penchait sur la vraie vie pour une fois, plutôt que sur de la fiction?...

Diana Vreeland, The Eye Has to Travel est un documentaire mais le personnage dont il relate la vie est tellement excentrique qu'on a parfois du mal à garder en tête qu'elle a vraiment existé.

Diana Vreeland a été l'impératrice de la mode pendant 55 ans. Née au début du siècle, elle a été rédactrice du Harper's Bazaar dans les années 40-50 puis elle a dirigé et ré-inventé Vogue dans les années 60-70. A la fin de sa carrière, elle a relancé l'Institut du Costume du Metropolitan Museum of Art de New York.

Le film retrace la vie et la carrière de celle dont la devise était "N'ennuyez jamais!".

Au travers de cette histoire, c'est le XXème siècle qu'on découvre. De la Belle Époque à Paris au Swinging London des années 60 en passant par les Années Folles, Vreeland a toujours su capter l'essence des époques qu'elle vivait.

Tous les témoins conviés à raconter leurs souvenirs (grands créateurs, mannequins, actrices, photographes, assistantes...) sont d'accord: il s'agissait d'une femme extra-ordinaire.
Pas très belle, elle accordait une place centrale au style (qui ne passe, d'après elle, pas par les vêtements). Visionnaire, elle a senti et façonné l'influence de la mode, la place des célébrités. Elle a découvert Lauren Bacall, conseillé Jackie Kennedy, lancé la carrière de nombreux photographes de mode, publié la première photo de Mick Jagger.
Pour Richard Avedon, c'est tout simplement elle qui a "inventé le métier de fashion editor".

Tyrannique, mythomane, froide avec ses enfants, intransigeante, Mrs V. avait aussi des côtés sombres mais ils sont à peine abordés, comme si ce n'était pas le lieu d'en parler.

Les témoignages sont donc exclusivement admiratifs et enthousiastes. Tout comme les extraits de l'impératrice elle-même qui s'exclame sans cesse que tout est "Maaaaaahrvelous!..." Un peu fatiguant à la longue...

Le résultat est assez hétérogène, entre extraits d'interviews, morceaux de films, textes, animations, témoignages. C'était peut-être nécessaire pour rendre compte de l'énergie et de la créativité de cette femme.

Diana Vreeland, The Eye Has to Travel vaut donc plus pour son personnage fascinant et les époques qu'elle traverse que pour sa forme finalement sans grande originalité.

La petite anecdote:
"Une robe, ça ne sert à rien. C'est la vie que vous allez mener dans cette robe qui importe"

Infos pratiques:
Diana Vreeland, The Eye Has to Travel
sorti le 3 octobre 2012 en France
réalisatrice: Lisa Immordino Vreeland
avec: Diana Vreeland
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19401921&cfilm=196348.html



mardi 2 octobre 2012

J'ai été voir... Savages


Ils sont trois, ils sont jeunes, beaux et ils s'aiment. Sauf que Ben, Chon et Ophélia jouent à un jeu dangereux: ils cultivent le meilleur cannabis des Etats-Unis. Ce qui va passablement énerver leurs voisins mexicains qui ont l'habitude de régler leurs affaires de façon musclée.

Oliver Stone, le réalisateur de Platoon, L'Enfer du Dimanche et Tueurs Nés entre autres retrouve le sud des Etats-Unis et ses trafics en tous genres (il a également été scénariste de Scarface).
Il nous emporte ici dans une histoire à plusieurs voix où les gentils cultivent de l'herbe et sont prêts à tout pour ne pas tout perdre et les méchants sont des pourris au coeur sensible.

L'histoire de Savages est assez banale et ce n'est pas là l'intérêt du film. Mais Oliver Stone étant Oliver Stone, il réussit à installer une ambiance violente et sexy qui donne un côté "clip" très séduisant. Le rythme est soutenu (presque) jusqu'au bout et le montage très réussi nous fait osciller entre flashes, souvenirs et images chocs.

Car la violence n'est pas épargnée au spectateur: dès la scène d'ouverture, on est plongé dans un bain de sang qui pourra en rebuter certains. Mais le réalisateur prend cette violence au second degré, comme si elle n'était qu'un des nombreux ingrédients d'un monde fait aussi d'honneur, de business, d'amour et d’ego.

Le contexte plus large dans lequel s'inscrit Savages, c'est celui des trafics de drogue entre le Mexique et les USA. Sur ce plan, le film pêche par son manque de prise de position. Plutôt que de dénoncer ou d'accuser, Stone nous balade dans un univers caricatural. Il a préféré l'esthétique au message et même si ce n'est pas désagréable (puisque c'est réussi), on peut regretter le manque de profondeur.

En revanche là où il excelle, c'est pour tirer le meilleur de son casting.
Le ménage à trois est constitué tout d'abord de Taylor Kitsch en ancien soldat à la testostérone en ébullition. Contrairement à John Carter, il porte un t-shirt dans (presque) toutes ses scènes... Aaron Johnson est le cerveau de la bande, trafiquant philanthrope tendance Greenpeace. Blake Lively est aussi à l'aise sur les plages californiennes que sur les trottoirs de New York dans la série Gossip Girl: elle prête ses formes et sa voix à la belle O. Stone la filme comme on regarde un beau gâteau dans une vitrine, avec beaucoup de gourmandise.

Mais c'est surtout du côté latino qu'on se régale. Salma Hayek s'éclate en reine du cartel qui met des baffes à ses hommes de main. Et Benicio Del Toro est en permanence du bon côté de la limite entre caricature et vraie froideur.
Enfin John Travolta complète cette équipe de choc en jouant le flic ripou qui trempe dans toutes les affaires louches.

Ces acteurs s'appuient sur des dialogues précis et étudiés, tirés du roman Savages de Don Winslow. Ce dernier avait même au départ envisagé d'écrire cette histoire directement pour le cinéma, pensant que cette histoire "serait plus intéressante à vivre sous la forme d'un film que sous celle d'un livre".

Savages ne pousse donc pas à la réflexion, alors que le sujet pouvait d'y prêter. Mais Oliver Stone nous en met plein la vue avec un film très rythmé à l'esthétique choc et sulfureuse.

La petite anecdote
Uma Thurman a joué le rôle de la mère d'O mais ces scènes ont finalement été coupées au montage.

Infos pratiques
Savages
sorti le 26 septembre 2012 en France
réalisateur: Oliver Stone
avec: Blake Lively, Aaron Johnson, Taylor Kitsch, Salma Hakek, Benicio Del Toro, John Travolta
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19327658&cfilm=178686.html