lundi 29 octobre 2012

J'ai été voir... Paperboy


Paperboy avait créé en mai dernier des remous du côté de la Croisette où il était présenté en compétition officielle du Festival de Cannes. Nombreux étaient ceux qui se demandaient tout simplement comment il avait pu être sélectionné... L'une des raisons est sans doute son casting, qui garantissait une montée des marches glamour à souhait (Nicole Kidman, Matthew McConaughey, Zac Efron).
J'avais donc envie de m'en faire ma propre opinion.

Paperboy raconte l'enquête menée par un journaliste (Matthew McConaughey) pour innocenter un pauvre type (John Cusack) accusé un peu précipitamment du meurtre d'un policier. Accompagné par son petit frère (Zac Efron) et à la demande de la copine du taulard (Nicole Kidman), il va donc revenir dans sa ville natale et tenter de comprendre ce qui s'est passé.

Le premier mot qui vient à l'esprit en parlant de Paperboy est "trash". Le réalisateur Lee Daniels (qui avait réalisé Precious en 2009) ne nous épargne rien et prend même un malin plaisir à nous mettre en face de scènes difficiles à digérer.

Le scénario n'est d'ailleurs qu'un prétexte pour explorer les facettes déviantes et les parts d'ombre des personnages. Du coup, on est vite perdus dans l'histoire et on a la sensation de perdre le fil, ce qui est désagréable. Trop de petits morceaux d'histoire(s) qui ne s'emboîtent pas bien et qui ne sont pas aboutis.

Esthétiquement, Daniels pousse les références aux années 70 à fond. Couleurs criardes, costumes bariolés, musique: pas de doute, on est en 1969.
Les thèmes abordés sont d'époque également: racisme sous-jacent, homosexualité refoulée, etc. Sauf qu'à vouloir parler de trop de choses, le film s'éparpille et perd de son intensité.

En revanche, il reste une constante qui dure 1h50: le côté poisseux.
L'action se situe en Floride, dans ce sud bouseux des Etats-Unis qui a été filmé tant de fois qu'on a l'impression de le connaître sans y avoir pourtant jamais mis les pieds. L'atmosphère, chaude et humide, vous prend à la gorge et ne vous lâche pas.
Le bayou de Floride étant visiblement un endroit approprié pour grandir avec une case en moins, les protagonistes de Paperboy sont tous un peu barrés.

Pour les interpréter, Lee Daniels a mis sur pied un casting solide (et glamour donc) qui le suit sans complexe dans ses scènes tordues.
Tout d'abord Nicole Kidman qui écorche avec plaisir son image de diva froide en interprétant avec une grande fragilité ce personnage très ambigu de bimbo vieillissante obsédée par les prisonniers. Trois scènes ont particulièrement fait couler l'encre des critiques, pendant lesquelles elle flirte avec l'exhibitionnisme (on vous laissera identifier les moments en question).
John Cusack, malgré peu de temps à l'écran, campe un type complètement taré, le cheveux sale, l'esprit tordu et le regard vide.
Zac Efron, lui, saute dans la cour des grands. Après les films pour adolescentes qui l'ont lancé (High School Musical 1,2 et 3, 17 ans encore ou Happy New Year), il ne livre pas ici la performance du siècle mais donne à voir un potentiel. On a en revanche de temps en temps l'impression que Daniels le filme davantage pour ses abdos et pour le fantasme qu'il représente que pour son jeu.
Enfin Matthew McConaughey, encore une fois en grande forme, nous régale avec le personnage de Ward Jansen, très juste dans sa recherche des limites. On ne se lasse pas de le voir aussi souvent en 2012 (Magic Mike, Killer Joe et bientôt Mud de Jeff Nichols)

C'est donc là que se trouve le plaisir, un peu pervers, du spectateur de Paperboy: voir de bons acteurs aller jusqu'au bout du challenge que leur propose un réalisateur qui n'a pas peur de faire dans le cra-cra. Même si le résultat est globalement vulgaire et dérangeant, il est aussi captivant. 
Pervers on vous dit...

La petite anecdote
Paperboy est un roman de Peter Dexter, inspiré d'une histoire vraie.
L'adaptation a longtemps été entre les mains de Pedro Almodovar, qui a finalement décliné.

Infos pratiques
Paperboy
sorti le 17 octobre 2012 en France
réalisateur: Lee Daniels
avec: Nicole Kidman, Matthew McConaughey, John Cusack, Zac Efron
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19400197&cfilm=193901.html


jeudi 18 octobre 2012

J'ai été voir... Elle s'appelle Ruby


Au milieu de remakes et des adaptations de romans, il sort encore quelques films originaux, dont le scénario a été conçu pour le cinéma. Elle s'appelle Ruby est de ceux-là, et nous apporte un petit vent de fraîcheur.

Calvin a écrit un best-seller quand il avait 19 ans. 10 ans plus tard, il bataille avec sa dépression et ne trouve pas d'inspiration. En rêve, il rencontre sa femme idéale, il décide alors d'écrire à propos d'elle. Quand elle se matérialise en chair et en os dans sa cuisine, Calvin se demande s'il perd la tête où si c'est la chance de sa vie...

Elle s'appelle Ruby souffre de certains défauts, qui vous gêneront plus ou moins en fonction de votre envie de vous plonger dans l'univers du film.

Tout d'abord, il manque de rythme. On ne s'emballe jamais vraiment pour cette histoire d'amour pourtant extraordinaire (le type a quand même créé la femme de ses rêves!). Même quand on s'approche du dramatique, il manque une certaine excitation qui donnerait un côté piquant.

Autre défaut, on amasse les clichés et les caricatures. Nos héros sont ce qu'en France on appellerait des bobos donc ils font des balades à vélo et des barbecues... Mais on est à Los Angeles donc ils ont aussi des parents hippies (Annette Bening et Antonio Banderas, à contre emploi donc surprenants et plutôt bons) et font des sorties sur la plage. Tout ce qui est français est romantique (même Sylvie Vartan et Plastic Bertrand dans la BO) et tout le monde est beau et gentil (j'exagère à peine).
On ne tombe pas dans le romantisme dégoulinant mais on ne sort pas d'un cadre bien pensant et propre sur lui. Alors que le sujet (un auteur se rend compte qu'il peut faire faire ce qu'il veut et modifier à souhait sa copine) pouvait être poussé très loin, et Elle s'appelle Ruby manque finalement d'audace.

Ce dont le film ne manque pas, en revanche, c'est de tendresse. Le couple a l'écran Ruby-Calvin est joué par des acteurs en couple dans la vie Zoé Kazan (également scénariste) - Paul Dano (vu dans Little Miss Sunshine et There Will Be Blood). Il se dégage une sincérité certaine de l'histoire qu'ils nous racontent. Outre le fait que Zoé Kazan a sans doute introduit des éléments de leur propre histoire dans son scénario, elle traite aussi de sujets plus généraux qu'ils ont su interpréter avec sensibilité.

Un autre couple complète l'équipe: Jonathan Dayton et Valérie Paris, les réalisateurs. Ils n'avaient rien tourné depuis 6 ans et le succès de Little Miss Sunshine
De quoi parle un couple qui filme un couple? du Couple évidemment. Ici, on traite plus particulièrement de la place de l'individu dans le couple et de l'écart entre ce que l'on imaginait au départ et la réalité du quotidien. Tout ça est abordé de façon charmante et agréable.
On n'en ressort pas avec une leçon de vie mais avec un petit sourire et la sensation qu'on nous a raconté une jolie histoire d'amour un peu farfelue.

La petite anecdote:
Zoé Kazan est la petite fille d'Elia Kazan, réalisateur de Un Tramway Nommé Désir et A l'Est d'Eden (entre autres)
La mère de Zoé Kazan est Robin Swicord, scénariste nominée aux Oscars pour L’Étrange Histoire de Benjamin Button.

Infos pratiques:
Elle s'appelle Ruby
sorti le 3 octobre 2012 en France
réalisateurs: Jonathan Dayton, Valérie Paris
avec: Paul Dano, Zoé Kazan, Chris Messina, Anette Bening, Antonio Banderas
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19386573&cfilm=205375.html

lundi 8 octobre 2012

J'ai été voir... Diana Vreeland, The Eye Has To Travel


Et si on se penchait sur la vraie vie pour une fois, plutôt que sur de la fiction?...

Diana Vreeland, The Eye Has to Travel est un documentaire mais le personnage dont il relate la vie est tellement excentrique qu'on a parfois du mal à garder en tête qu'elle a vraiment existé.

Diana Vreeland a été l'impératrice de la mode pendant 55 ans. Née au début du siècle, elle a été rédactrice du Harper's Bazaar dans les années 40-50 puis elle a dirigé et ré-inventé Vogue dans les années 60-70. A la fin de sa carrière, elle a relancé l'Institut du Costume du Metropolitan Museum of Art de New York.

Le film retrace la vie et la carrière de celle dont la devise était "N'ennuyez jamais!".

Au travers de cette histoire, c'est le XXème siècle qu'on découvre. De la Belle Époque à Paris au Swinging London des années 60 en passant par les Années Folles, Vreeland a toujours su capter l'essence des époques qu'elle vivait.

Tous les témoins conviés à raconter leurs souvenirs (grands créateurs, mannequins, actrices, photographes, assistantes...) sont d'accord: il s'agissait d'une femme extra-ordinaire.
Pas très belle, elle accordait une place centrale au style (qui ne passe, d'après elle, pas par les vêtements). Visionnaire, elle a senti et façonné l'influence de la mode, la place des célébrités. Elle a découvert Lauren Bacall, conseillé Jackie Kennedy, lancé la carrière de nombreux photographes de mode, publié la première photo de Mick Jagger.
Pour Richard Avedon, c'est tout simplement elle qui a "inventé le métier de fashion editor".

Tyrannique, mythomane, froide avec ses enfants, intransigeante, Mrs V. avait aussi des côtés sombres mais ils sont à peine abordés, comme si ce n'était pas le lieu d'en parler.

Les témoignages sont donc exclusivement admiratifs et enthousiastes. Tout comme les extraits de l'impératrice elle-même qui s'exclame sans cesse que tout est "Maaaaaahrvelous!..." Un peu fatiguant à la longue...

Le résultat est assez hétérogène, entre extraits d'interviews, morceaux de films, textes, animations, témoignages. C'était peut-être nécessaire pour rendre compte de l'énergie et de la créativité de cette femme.

Diana Vreeland, The Eye Has to Travel vaut donc plus pour son personnage fascinant et les époques qu'elle traverse que pour sa forme finalement sans grande originalité.

La petite anecdote:
"Une robe, ça ne sert à rien. C'est la vie que vous allez mener dans cette robe qui importe"

Infos pratiques:
Diana Vreeland, The Eye Has to Travel
sorti le 3 octobre 2012 en France
réalisatrice: Lisa Immordino Vreeland
avec: Diana Vreeland
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19401921&cfilm=196348.html



mardi 2 octobre 2012

J'ai été voir... Savages


Ils sont trois, ils sont jeunes, beaux et ils s'aiment. Sauf que Ben, Chon et Ophélia jouent à un jeu dangereux: ils cultivent le meilleur cannabis des Etats-Unis. Ce qui va passablement énerver leurs voisins mexicains qui ont l'habitude de régler leurs affaires de façon musclée.

Oliver Stone, le réalisateur de Platoon, L'Enfer du Dimanche et Tueurs Nés entre autres retrouve le sud des Etats-Unis et ses trafics en tous genres (il a également été scénariste de Scarface).
Il nous emporte ici dans une histoire à plusieurs voix où les gentils cultivent de l'herbe et sont prêts à tout pour ne pas tout perdre et les méchants sont des pourris au coeur sensible.

L'histoire de Savages est assez banale et ce n'est pas là l'intérêt du film. Mais Oliver Stone étant Oliver Stone, il réussit à installer une ambiance violente et sexy qui donne un côté "clip" très séduisant. Le rythme est soutenu (presque) jusqu'au bout et le montage très réussi nous fait osciller entre flashes, souvenirs et images chocs.

Car la violence n'est pas épargnée au spectateur: dès la scène d'ouverture, on est plongé dans un bain de sang qui pourra en rebuter certains. Mais le réalisateur prend cette violence au second degré, comme si elle n'était qu'un des nombreux ingrédients d'un monde fait aussi d'honneur, de business, d'amour et d’ego.

Le contexte plus large dans lequel s'inscrit Savages, c'est celui des trafics de drogue entre le Mexique et les USA. Sur ce plan, le film pêche par son manque de prise de position. Plutôt que de dénoncer ou d'accuser, Stone nous balade dans un univers caricatural. Il a préféré l'esthétique au message et même si ce n'est pas désagréable (puisque c'est réussi), on peut regretter le manque de profondeur.

En revanche là où il excelle, c'est pour tirer le meilleur de son casting.
Le ménage à trois est constitué tout d'abord de Taylor Kitsch en ancien soldat à la testostérone en ébullition. Contrairement à John Carter, il porte un t-shirt dans (presque) toutes ses scènes... Aaron Johnson est le cerveau de la bande, trafiquant philanthrope tendance Greenpeace. Blake Lively est aussi à l'aise sur les plages californiennes que sur les trottoirs de New York dans la série Gossip Girl: elle prête ses formes et sa voix à la belle O. Stone la filme comme on regarde un beau gâteau dans une vitrine, avec beaucoup de gourmandise.

Mais c'est surtout du côté latino qu'on se régale. Salma Hayek s'éclate en reine du cartel qui met des baffes à ses hommes de main. Et Benicio Del Toro est en permanence du bon côté de la limite entre caricature et vraie froideur.
Enfin John Travolta complète cette équipe de choc en jouant le flic ripou qui trempe dans toutes les affaires louches.

Ces acteurs s'appuient sur des dialogues précis et étudiés, tirés du roman Savages de Don Winslow. Ce dernier avait même au départ envisagé d'écrire cette histoire directement pour le cinéma, pensant que cette histoire "serait plus intéressante à vivre sous la forme d'un film que sous celle d'un livre".

Savages ne pousse donc pas à la réflexion, alors que le sujet pouvait d'y prêter. Mais Oliver Stone nous en met plein la vue avec un film très rythmé à l'esthétique choc et sulfureuse.

La petite anecdote
Uma Thurman a joué le rôle de la mère d'O mais ces scènes ont finalement été coupées au montage.

Infos pratiques
Savages
sorti le 26 septembre 2012 en France
réalisateur: Oliver Stone
avec: Blake Lively, Aaron Johnson, Taylor Kitsch, Salma Hakek, Benicio Del Toro, John Travolta
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19327658&cfilm=178686.html