mercredi 25 février 2015

Imitation Game


Avec 8 nominations aux Oscars et une promo orchestrée par les frères Weinstein, Imitation Game semblait parti pour tout rafler. Il ne repart finalement qu'avec l'Oscar du Meilleur Scénario.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le mathématicien Alan Turing va travailler à décoder la machine Enigma que les nazis utilisent pour crypter tous leurs messages.

Imitation Game est un biopic très classique. Le réalisateur norvégien Morten Tydllum nous relate la vie de ce personnage oublié des livres d'histoires. Il a fallu attendre que les dossiers militaires soient déclassés pour pouvoir envisager une adaptation, qui était évidente tant l'histoire est un matériau de cinéma. Espionnage, guerre, génie scientifique, personnages hauts en couleurs: tout est là, le cachet "histoire vraie" en plus.

La vie d'Alan Turing est passionnante et Benedict Cumberbatch (la série SherlockLa Taupe) en donne une très bonne interprétation. Britannique jusqu'au bout des ongles, il prête au personnage ce mélange d'élégance et d'humour so british.
Turing était un génie, expert en codes et persuadé de pouvoir construire une machine pouvant résoudre tout problème mathématique. Il était aussi à la limite de l'autisme, incapable de percevoir le second degré et de vivre en groupe. Pour finir, son homosexualité (illégale à cette époque en Angleterre) a causé sa persécution après la guerre. Ses travaux ont finalement inspiré des générations de chercheurs et les ordinateurs actuels sont issus de ces recherches.

Imitation Game n'est pas un chef d'oeuvre: très linéaire dans sa construction, il manque d'originalité dans la narration. On peut s'ennuyer si on ne trouve pas le personnage principal suffisamment fascinant pour nous tenir en haleine pendant deux heures.
Le film est basé sur des allers-retours dans le temps entre la période de guerre pendant laquelle Turing livre une course contre la montre pour décoder Enigma et la période après-guerre pendant l'enquête pour attentant à la pudeur. Les flash-backs sont fluides mais on n'est surpris à aucun moment.
Cependant, un suspense s'installe pour la résolution de ce code et les relations entre les personnages changent. Turing évolue et on s'attache à cet homme à la fois extrêmement sensible et incapable d'empathie.

Au delà du portrait, c'est donc sur l'histoire incroyable que se concentre le film: la contribution de Turing à la victoire des Alliés n'a été reconnue qu'en 2013... D'autres thèmes sont abordés: la place des femmes, le rejet violent de l'homosexualité jusqu'à très récemment. Le grand sujet étant finalement l'éloge de la différence. Sujet qui est mentionné de façon assez peu subtile via des morales répétées plusieurs fois au long de l'histoire. 

Cumberbatch est entouré d'un casting très british: Keira Knightley (Orgueil et Préjugés, A Dangerous Method, New York Melody), Mark Strong (Zero Dark Thirty, La Taupe) et Matthew Goode (Match Point) en tête. Les fans de séries reconnaîtront également Charles Dance (Tywin dans Games Of Thrones) et Allen Leech (Downton Abbey).

La curiosité historique, un scénario fluide et un Benedict Cumberbatch en grande forme: choisissez vos arguments pour aller voir Imitation Game

La petite anecdote:
Alan Turing était un coureur longue distance de niveau international. Il a bouclé le marathon en 2h46 en 1946.

Note:
3.5/5

Infos pratiques:
Imitation Game
sorti le 28 janvier 2015 en France
réalisateur: Morten Tydlum
avec: Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Mark Strong, Matthew Goode

vendredi 20 février 2015

Fifty Shades of Grey


C'est le coup marketing ciné de ce début 2015: la sortie de l'adaptation du best-seller romantico-érotique d'E.L. James, vendu à plus de 100 millions d'exemplaires dans le monde.

Anastasia Steele est étudiante en littérature anglaise. Sa vie sentimentale et sexuelle va basculer quand elle rencontre le milliardaire Christian Grey.

Attendu au tournant par des millions de fans qui ont fantasmé en lisant le roman, Fifty Shades of Grey avait un défi de taille à relever. Comment un film américain, où l'industrie ciné est connue pour son conservatisme (qui a dit pudibonderie?), allait pouvoir raconter une histoire qui tourne autour du sado-masochisme? 
Certes, le roman d'E.L. James n'est pas de la grande littérature (surtout dans son horrible version traduite en français), mais les scènes de sexes sont pour le moins explicites.

Le résultat est "moins pire" que prévu. C'est évidemment plus soft que dans le livre mais la réalisatrice Sam Taylor-Johnson va plus loin que les habituels gros plans sur la tête de lit qui tremble. Au final, c'est 15 minutes "d'érotique" sur 2h d'un film "romantico-érotique". Ça laisse 1h45 de "romantique": le cul-cul après le cul.
Car il faut bien le dire, Fifty Shades of Grey raconte l'histoire souvent mièvre d'une jeune fille très naïve, fascinée par un milliardaire certes très généreux mais aussi très tordu. On est pas loin du roman Harlequin.

Le roman manque d'une pointe d'humour qui permettrait de dédramatiser certaines scènes qui deviennent ici un peu ridicules tant elles véhiculent de clichés. 
L'adaptation est fidèle au roman et évite heureusement les passages un peu lourds de questionnement d'Ana sur à peu près TOUT ce qui lui arrive.
Fifty Shades of Grey  est le premier épisode d'une trilogie: la sortie en salle du n°2 est prévue en 2016.

On peut se demander si c'est vraiment du SM: les adeptes crient au scandale car le film nierait la notion de consentement entre les participants.
On peut penser que si Grey n'était pas milliardaire, on l'accuserait de violence sur sa copine. Le fait de la couvrir de cadeaux faisant passer la pilule plus facilement.
On peut aussi se dire que c'est un film de pur divertissement et qu'on y vient entre copines pour glousser en voyant l'ex-mannequin Calvin Klein Jamie Dornan (qui joue Christian Grey).

Je pense surtout que le film a rempli sa mission: faire venir au cinéma toutes les filles qui ont lu le livre. Pour qu'elles se rendent compte finalement que leur imagination est bien plus excitante que ce que produit Hollywood...

La petite anecdote:
Le roman Fifty Shades of Grey est une épopée qui peut se résumer en quelques chiffres (impressionnants):
- 100 millions d'exemplaires vendus dans le monde. Aux US, plus de la moitié sur tablettes et livres électroniques: plus discrets dans les transports...
- 2: nombre de romans vendus par seconde
- 127 : nombre de fois où Ana rougit dans le roman
- 43: le nombre de fois où elle se mord la lèvre
- 5 millions: le montant (en $) déboursé par Universal pour acheter les droits d'adaptation du roman

Note:
2/5

Infos pratiques:
Fifty Shades of Grey
sorti en France le 11 février 2015
réalisatrice: Sam Taylor-Johnson
avec: Jamie Dornan, Dakota Johnson


mardi 10 février 2015

Foxcatcher


Bennett Miller passe pour la 3ème fois derrière la caméra (après Truman Capote et Le Stratège) pour nous raconter une nouvelle histoire vraie. Déjà récompensé par le Prix de la Mise en Scène à Cannes, Foxcatcher est dans la course aux Oscars.

En 1986, le milliardaire John E. Du Pont ouvre un centre d'entraînement de lutte sur sa propriété de Pennsylvanie. Il invite les champions Mark et Dave Schultz à venir s'y entraîner en vue des JO de Séoul en 1988.

Foxcatcher est une leçon de mise en scène. Tout au long des 2h15 du film, les séquences s'enchaînent avec une grande fluidité. Les lumières, les couleurs et d'une façon générale les images sont maîtrisées de A à Z pour nous raconter la version de Miller de cette histoire.

Miller axe sa narration autour du trio de personnages: les frères Schultz (Channing Tatum, vu dans Magic Mike , 21 Jump Street  et actuellement à l'affiche dans Jupiter: le Destin de l'univers et Mark Ruffalo Collateral, Avengers, New York Melody) et le riche héritier John Du Pont (Steve Carell Crazy Stupid Love, Cet été-là et de nombreuses comédies de Judd Apatow). Ils sont tous les 3 impressionnants et Carell et Ruffalo sont nominés aux Oscars pour leur performance. 
Les maquillages et transformations physiques ont un aspect animal. Carell et son nez proéminent fait penser à un oiseau de proie alors que Tatum à un air de gorille avec sa démarche balourde.

Tout cela contribue à une atmosphère très particulière et malsaine, qui met vite le spectateur mal à l'aise. Personnages instables mentalement, relations de pouvoir et d'héritage, sport de contact très (très) rapproché: tout converge vers des relations ambiguës.
On découvre petit à petit l'ampleur de la folie de Du Pont et ce qui est encore plus dérangeant, à quel point son statut social et son argent le protège: il est inadapté socialement mais comme il est riche, on sourit à ses folies. Et il se passe forcément le pire quand le pouvoir et laissé dans les mains d'un instable.

Les thématiques abordées sont très nombreuses: entre le rêve patriotique américain, la place de la mère et l'absence du père et leurs effets, les ambitions sportives, les rivalités fraternelles... Cela peut sembler beaucoup mais le scénario distille ces idées de façon subtile et les mêle habilement.

Mais Foxcatcher est surtout un film portrait. Il y a beaucoup de non-dits, de sous-entendus qui passent par des regards appuyés, par des gestes de camaraderie. Cela donne un rythme volontairement lent au film, qui laisse s'installer une lourdeur. Les fans d'action seront sans doute frustrés.

Il manque tout de même un élément pour faire de Foxcatcher un sans-faute: la progression dramatique n'est pas utilisée à son maximum. On aimerait voir monter crescendo la tension de ce drame. Et pourtant, on reste froid face à l'enchaînement des événements, comme détachés.

Foxcatcher est une grande réussite sur le plan cinématographique: c'est un film diablement maîtrisé avec une direction d'acteurs impressionnante (Miller est également nominé pour l'Oscar du Meilleur réalisateur).
A elles seules les performances de Carell, Tatum et Ruffalo méritent le déplacement.
Un film lourd, poisseux et impur, à éviter les jours où vous avez besoin de vous remonter le moral.

La petite anecdote:
Dave Schultz était un excellent lutteur car il savait se battre des deux côtés. Il était également dyslexique et des études ont prouvé le lien entre dyslexie et ambidextrie.

Note:
4/5

Infos pratiques:
Foxcatcher
sorti le 21 janvier 2015 en France
réalisateur: Bennett Miller
avec: Channing Tatum, Steve Carell, Mark Ruffalo