mercredi 10 juin 2015

La Tête Haute


Projeté hors compétition en ouverture du Festival de Cannes 2015, le nouveau film d'Emmanuelle Bercot (co-scénariste de Polisse) a donné le ton d'une sélection centrée sur un cinéma social et engagé.

Malony a 6 ans lorsqu'il se retrouve pour la première fois dans le bureau de la juge pour enfants. Il y reviendra à de nombreuses reprises jusqu'à ses 18 ans.

Les drames sociaux au cinéma, c'est un genre en soi. Certains réalisateurs y excellent (les frères Dardenne, Abdellatif Kechiche, Ken Loach...) et il est indéniable qu'Emmanuelle Bercot lorgne dans leur direction. Même s'il sonne parfois "à la manière de...", cet essai est plutôt convaincant.

Elle choisit de nous raconter l'histoire d'un gamin en manque: en manque de parents, de repères et d'amour. En manque de calme et qui réagit à fleur de peau, qui choisit la violence comme moyen d'auto-défense. Explosions, dérapages incontrôlés, inconscience: Malony paraît irrécupérable. Et c'est pourtant le job de sa juge et de son éducateur de lui donner sa chance.
La réalisatrice s'est renseigné sur son sujet et nous peint un portrait brut et réaliste des centres de détention pour mineurs et des personnes qui y vivent (jeunes délinquants et éducateurs). Elle cite une phrase dans ses inspirations: "L'éducation est un droit fondamental. Il doit être assumé par la famille et si elle n'y parvient pas, il revient à la société de l'assumer". Mais que faire quand le principal intéresser refuse toute aide?...
Malony lutte contre tout, en particulier contre son éducateur, qui représente l'insupportable absence de son père.

Grâce à une mise en scène maîtrisée, des plans fixes, une attention aux regards et des décors naturels, Emmanuelle Bercot échappe aux débordements d'hystérie qui auraient pu polluer son propos.
On  regrettera cependant quelques longueurs, en particulier sur la dernière partie qui méritait un resserrage. Mais l'énergie et l'élan qui guident Le Tête Haute sont touchants. De même, et sans rien révéler, l'issue choisie peut poser question.
Enfin, les acteurs du système administratif et judiciaire sont dépeints tous comme des bons samaritains et leurs actions sont peu questionnées.

Comme dans sa première réalisation (Elle s'en va), Bercot a fait appel à Catherine Deneuve qui interprète avec toute son aura et son autorité cette juge pour enfants. Benoît Magimel joue finement l'éducateur de Malony. En revanche le personnage de la mère (joué par Sara Forestier) frise le cliché.
Le rôle principal a été confié à un jeune acteur non professionnel, Rod Paradot, qui livre une performance sincère et brute. Il est par ailleurs bluffant en étant à la fois crédible à 13 ans et à 18...

On pense à Polisse et à Mommy. Pour ce dernier, le style est différent mais on parle ici aussi d'une relation toxique entre une mère et son fils et de jeunes débordés par leur violence.

La Tête Haute est un film à fleur de peau, réussi dans sa direction d'acteurs (et on est pas obligé d'être fan de Catherine Deneuve pour apprécier sa performance). Authentique et explosif.

La petite anecdote:
C'était LE festival de Cannes pour Emmanuelle Bercot qui, en plus de la diffusion de La Tête Haute en ouverture, a reçu le Prix d’Interprétation féminine pour sa performance dans Mon Roi de Maïwenn (partagé avec Rooney Mara pour son rôle dans Carol  de Todd Haynes).

Note:
4/5

Infos pratiques:
La Tête Haute
sorti le 13 mai 2015 en France
réalisatrice: Emmanuelle Bercot
avec: Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Rod Paradot, Sara Forestier