lundi 23 mars 2015

American Sniper


Clint Eastwood, 84 ans, revient avec un film poids lourd, gros carton au box-office américain. Très loin du sujet plutôt léger de son film précédent (Jersey Boys), il nous raconte ici l'histoire vraie d'un sniper américain engagé en Irak.

Chris Kyle, tireur d'élite dans l'armée américaine, détient un record: celui du nombre de tués en opération. Derrière la "Légende", que se cache-t-il?

American Sniper est un film à l'ADN 100% américain. Je pense que pour bien le comprendre, il faut se rappeler qu'il a été fait par le réalisateur le plus patriotique qui soit et à destination du public US. Sans cette clé de lecture, on passe à côté et on crée des polémiques. 

On a par exemple reproché au film de ne pas questionner l'intervention américaine en Irak. Pour moi, ce sujet ne fait absolument pas partie du film. American Sniper parle d'un homme, que l'Amérique a transformé en héros. Utilisée par l'armée pour son recrutement, l'image de Chris Kyle n'est pourtant que la face visible d'un iceberg bien plus nuancé qu'il n'en a l'air.
Le sujet du film, ce n'est pas la justification ou non de cette guerre. Ce n'est pas non plus de juger si ce qui a été fait là-bas a été fait correctement. Le sujet du film, c'est de nous montrer ce que provoque une guerre, l'exposition prolongée à la violence sur un homme aux principes très ancrés.

Chris Kyle est quasiment né un fusil dans les mains (j'ai dit que c'était un film 100% US?). Il a grandi dans l'idée qu'il devait devenir suffisamment fort pour protéger les autres: son frère, sa femme, ses camarades, son pays... Eastwood nous présente les étapes qui vont faire de cet homme une machine à tuer redoutable. 
Mais la machine reste un homme et une lueur de doute s'allume parfois dans ses yeux.

Pour survivre à quatre tournées en Irak, Kyle se cramponne a ses principes. Servir son pays, protéger ses frères d'arme. Sans ces idéaux, il perd la raison. Comment accepter d'avoir pris plus de 150 vies s'il ne peut pas l'expliquer par son devoir?
Mais cette obstination a forcément des conséquences sur sa vie une fois rentré auprès de sa famille. Comment reprendre une vie normale après ça?

American Sniper est un film portrait. Le personnage de Kyle est présent dans toutes les scènes du film. La sobriété de la mise en scène nous met face aux réactions brutes des personnages. On est scotchés pendant les scènes d'action militaire et mal à l'aise à son retour.

Eastwood a mis en place un découpage limpide et utilise parfaitement le son pour nous plonger dans son film. La musique se fait rare mais le son des balles et des scènes de combat est glaçant de précision.

Bradley Cooper (Happiness Therapy, American Bluff) est à l'origine du projet de film. Il a décidé d'endosser le rôle suite au refus de Chris Pratt. Au-delà de la performance physique (il a pratiqué la musculation de façon intensive et avait un régime à 8000 calories par jour), il s'est glissé dans la peau du Marine et sa performance lui a valu sa 3ème nomination aux Oscars d'affilée. 

American Sniper n'est pas un film de guerre comme les autres. La guerre est là comme un environnement dans lequel évolue cet homme qu'on cherche à cerner. Broyé par ses idéaux que rien ne vient perturber, même sa vie de famille, Chris Kyle doit se créer un équilibre.

Complexe, dense, très manichéen: du grand Eastwood.

La petite anecdote:
Nominé 6 fois aux Oscars 2015, American Sniper est reparti avec une récompense, celui du meilleur montage Son.

Note:
4/5

Infos pratiques:
American Sniper
sorti le 18 février 2015 en France
réalisateur: Clint Eastwood
avec: Bradley Cooper, Sienna Miller

jeudi 5 mars 2015

Timbuktu


Triomphe aux Césars avec 7 récompenses dont Meilleur Film, Meilleur Réalisateur et Meilleur Scénario. 
Si le côté paillettes et tapis rouge ne pique pas votre curiosité, Timbuktu vous donnera cependant de nouveaux éléments pour réfléchir au fameux djihad qui fait les gros titres actuellement.

Près de Tombouctou au Mali, une petite ville est tombée sous le contrôle de la police islamique. La vie de ses habitants va s'en trouver bouleversée.

Parfois, le cinéma aide à se poser les bonnes questions. Sans imposer de réponse, le réalisateur Abderrahmane Sissoko nous donne des clés pour comprendre ce que signifie l'extrémisme religieux au quotidien.
Inspiré d'un fait divers réel, le scénario de Timbuktu mêle une intrigue principale à des scènes de vie plus descriptives. Comme pour imprégner le spectateur de l'absurdité des situations.
Quand un imam reproche sa conduite à un chef djihadiste et ne comprend pas qu'on puisse agir aussi violemment au nom du même dieu que le sien, tout est dit.

L'humour et le burlesque permettent à Sissoko de souligner les situations aberrantes créées par l'arbitraire des extrémistes. Intelligemment, il ne nous cache pas que les conséquences sont violentes et dramatiques. 
Le rythme est lent et contemplatif et nous permet d'admirer les paysages splendides de Mauritanie où à été tourné le film. En effet, les conditions sécurité n'était pas réunies au Mali et c'est sous la protection de l'armée mauritanienne que le tournage a eu lieu, à Oualata.

Sissoko dissèque subtilement, sans juger, les parties prenantes de ce drame. En passant du temps avec les hommes de la police islamique, on perçoit aussi d'où ils viennent, leurs doutes et leur besoin d'autorité.
Brutalité et poésie cohabitent et c'est perturbant. Timbuktu est un film dépouillé, qui pose beaucoup plus de questions qu'il n'apporte de réponses. A la fois très beau visuellement et un peu ronronnant dans sa narration, on ressort déboussolé. J'ai d'ailleurs eu besoin de quelques jours pour le digérer et y re-réfléchir.

Interprété par des acteurs majoritairement amateurs, Timbuktu touche par sa sincérité et certaine scènes tout simplement magnifiques.

Parfois maladroit dans son mélange d'anecdotes, Timbuktu est un film puissant, qui nuance sans oublier de dénoncer les aberrations auxquelles mène l'obscurantisme religieux. 

La petite anecdote:
Des polémiques apparaissent aujourd'hui sur les conditions financières accordées aux figurants maliens sur le tournage. Le casting a eu lieu dans un camp de réfugiés touaregs et certains acteurs se plaignent aujourd'hui.

Note:
4/5

Infos pratiques:
Timbuktu
sorti le 10 décembre 2014 en France
réalisateur: Abderrahmane Sissoko
avec: Ibrahim Ahmed, Toulou Kiki, Abel Jafri