lundi 25 février 2013

J'ai été voir... Gangster Squad


Certains thèmes semblent être une source inépuisable d'histoires à raconter au cinéma: la lutte contre les gangsters en fait partie. Et ce thème se décline à toutes les époques: années 20-30 (Lawless), les années 40-50 (Le Parrain, Les Affranchis, L.A Confidential), les années 70-80 (American Gangster, Scarface) jusqu'à aujourd'hui (Les Infiltrés)...

Après la Seconde Guerre Mondiale, à Los Angeles, une unité spéciale est mandatée par le chef de la police pour détruire l'empire de Mickey Cohen, un parrain de la mafia qui contrôle la ville.

Sur le papier, le scénario ressemble beaucoup à celui des Incorruptibles; en fait, on en est loin. Mais ce n'est pas la seule référence puisque les clins d'oeil à Scarface et Public Enemies sont nombreux.  

Gangster Squad est sensé aborder le sujet de la différence entre le bien et le mal: qu'est-ce qui différencie les gentils policiers des méchants s'ils sont prêts à tout ? 
Mais on ne va pas jusque là dans la réflexion car le film s'arrête au niveau esthétique du film de gangster.
Les années 50 sont parfaitement reconstituées: les chapeaux et les impers tombent parfaitement, les robes du soir ressemblent à celle de Jessica dans Qui veut la peau de Roger Rabbit? et les sulfateuses font un bruit d'enfer. C'est à un exercice de style que se livre le réalisateur Ruben Fleisher, il nous donne à voir un Los Angeles fantasmé.

Et il faut admettre que son casting a de l'allure. A la tête de l'équipe de policiers de chocs, Josh Brolin et sa mâchoire hyper-carrée. Pas hyper charismatique mais il a le physique parfait pour le personnage...
Pour continuer dans les physiques parfaits, Ryan Gosling prête sa gueule d'ange à Jerry Wooters, flic désabusé et séducteur second degré. Ok, il est plus mannequin qu'acteur: Los Angeles fantasmé on vous dit... 
La déception surprise vient de Sean Penn qui est d'habitude impeccable mais qui, ici, en fait beaucoup trop. Sur-maquillé pour le transformer en ex-boxeur, il s'énerve très fort et se fâche tout rouge mais il ne fait pas un Mickey Cohen convaincant.

Gangster Squad ressemble en fait à une BD, un de ces comics américains qui rassemblerait une bande de héros pour une quête de justice. Dans cette équipe de flics, que l'on pourrait rebaptiser "United Colors of LAPD", tous les quotas sont remplis (1 noir afro-américain, 1 mexicain, 1 geek, 1 vieux senior). 
Visuellement aussi, on est dans le film de super-héros avec des ralentis et des arrêts sur images qui ressemblent aux vieux dessins animés Batman.
La Ligue des Policiers Extraordinaires fait donc son travail et cet esprit BD est renforcé par un humour un peu lourd. Cela permet également de dédramatiser la violence, pourtant bien présente dans le film: on ne prend pas au sérieux les bastons et les fusillades qui paraissent très chorégraphiées.
Pas de subtilité: on ne fait pas dans la dentelle et on ne s'attarde pas sur des détails de l'histoire qui pourraient pourtant lui donner la profondeur qui lui manque.

Gangster Squad est une succession de clichés sur ce qu'est sensé être un film de gangsters dans les années 50. Ce n'est pas désagréable mais ça pourrait être tellement mieux...

La petite anecdote:
La sortie de Gangster Squad a été retardée suite à la fusillade dans le cinéma d'Aurora. Alors qu'il devait sortir en septembre 2012 et que la bande-annonce tournait déjà, la production a décidé de couper une scène du film qui représentait... une fusillade dans un cinéma. Il a même fallu re-tourner entièrement une scène.

Infos pratiques:
Gangster Squad
sorti le 6 février 2013 en France
réalisateur: Ruben Fleisher
avec: Josh Brolin, Sean Penn, Ryan Gosling, Emma Stone
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19415289&cfilm=186168.html 

mercredi 20 février 2013

J'ai été voir... Zero Dark Thirty


J'avais beaucoup aimé Démineurs, le dernier film de Kathryn Bigelow qui avait remporté l'Oscar du meilleur film en 2010. La réalisatrice semble parfaitement à l'aise dans ces ambiances militaires généralement réservées à ces messieurs. Zero Dark Thirty s'annonçait donc prometteur, à la fois grâce à son thème et grâce à son casting (acteurs et techniques).

11 septembre 2001 - 2 mai 2011: 10 ans d'enquête de la CIA pour traquer et éliminer Oussama Ben Laden, du point de vue d'une jeune analyste convaincue de tenir la piste que tout le monde cherche.

Si le cinéma américain a la capacité à se pencher rapidement sur les évènements marquants de l'histoire des USA, on peut souvent lui reprocher son manque de sens critique. Là où le cinéma français est incapable de raconter la guerre d'Indochine ou d'Algérie plus de 50 ans après les faits, les américains savent déjà faire un film sur un épisode qui a marqué leurs années 2000. Mais comment aborder cet évènement majeur sans tomber dans la polémique? Le sujet est encore brûlant, les décideurs encore en place, les débats toujours d'actualité: comment raconter une telle histoire de façon apaisée?

Kathryn Bigelow choisit de ne pas prendre franchement position. Elle nous expose des faits, un peu à la manière d'un rapport scrupuleux, via l'expérience de cette jeune agent de la CIA. 
A travers elle, on assiste aux scènes de torture, mais elle ne s'en indigne pas; à travers elle, on vit les autres attentats orchestrés par Al-Qaïda et les impacts qu'ils ont eu.  Surtout, à travers son cheminement, on comprend que cette enquête est un vaste puzzle et que sa résolution est due à une série d'erreurs, de tâtonnements, de coups de chance et de la détermination sans faille de cette "Maya" (qui est un personnage inventé). 
Nous sommes témoins de cette chasse à l'homme et donc amenés à répondre nous-même à la question qui sous-tend le film: la fin justifie-t-elle les moyens?

La détermination, c'est le thème central de Zero Dark Thirty. Maya est dévorée par sa mission et ce personnage central (interprétée par Jessica Chastain, très bien choisie pour le rôle) est marquant par sa résolution sans faille. En se concentrant sur elle, Bigelow veut sans doute montrer que les personnes, avec leurs obsessions, leurs concessions et leur (manque) d'humanité, restent au coeur de telles manoeuvres. Elle ne stigmatise ni la CIA, ni les terroristes d'ailleurs qu'elle ne présente pas comme des pantins fanatiques.

Zero Dark Thirty a un effet étrange: il peut paraître confus et assez lent, comme cette enquête qui a mis 10 ans à aboutir. Mais la pression monte petit à petit, jusqu'à l'assaut final (par ailleurs très bien filmé). Pas d'explosion de rythme cependant, pas de grosse accélération. Cela nous amène, une fois Oussama Ben Laden éliminé, à se demander: et maintenant, quoi?...
Comme dans Argo, il nous manque des éléments géopolitiques pourtant fondamentaux pour comprendre la globalité du sujet: il n'est pas fait mention de l'élection d'Obama, du retrait des troupes en Irak, des mouvements en Syrie ou en Iran...

Le film pose donc finalement plus de questions qu'il n'offre de réponses. C'est en cela un film intelligent... N'oublions pas non plus que c'est une fiction, adaptée de récits forcément subjectifs et partiels. La force et la faiblesse de Zero Dark Thirty est de nous laisser responsable de l'interprétation, en nous donnant "seulement" un rôle de témoin privilégié.

La petite anecdote:
L'expression "Zero Dark Thirty" désigne en langage militaire l'heure 00:30 mais c'est également une expression pour décrire les opérations réalisées sous couvert de l'obscurité.

Infos pratiques:
Zero Dark Thirty
sorti le 23 janvier 2013 en France
réalisatrice: Kathryn Bigelow
avec: Jessica Chastain, Jason Clarke, Mark Strong, Kyle Chandler
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19433295&cfilm=193444.html 

lundi 18 février 2013

J'ai été voir... Happiness Therapy


L'année ciné est rythmée par quelques évènements qui influencent les sorties: vacances scolaires, fêtes, festival de Cannes et bien sûr... les Oscars. Dans la déferlante actuelle de films sortis à temps pour rafler les statuettes, Happiness Therapy est un des grands gagnants. Il réalise le "big five" des nominations: meilleur film, meilleur acteur et actrice, meilleur réalisateur et meilleur scénario. Gros coup marketing orchestré de main de maître par les frères Weinstein, producteurs et déjà responsables des succès du Discours d'un roi et The Artist.

A Philadelphie, Pat Solitano sort de 8 mois en hôpital psychiatrique après avoir perdu son sang-froid et agressé l'amant de sa femme. Pour la reconquérir et se reconstruire, il adopte une philosophie optimiste et tente de changer. Il va croiser Tiffany, jeune veuve nymphomane aussi détraquée que lui...

Le réalisateur David O'Russell, à qui l'on doit Fighter, a choisi d'adapter ce roman (Silver Linings Playbook) avec lequel il a un lien assez personnel puisque son propre fils a, comme le héros du film, été diagnostiqué comme bipolaire.
Pat subit ses sautes d'humeur et ses accès de violence. Il refuse de prendre ses médicaments et tente de reprendre sa vie en main. Le choix, assez surprenant, de confier ce rôle à Bradley Cooper s'avère payant. Loin du beau-gosse tombeur habituel, l'acteur incarne avec sincérité cet homme immature, attachant et perdu.

Le réalisateur a choisi d'aborder de lourds thèmes (le deuil, les relations familiales, la maladie mentale) via la comédie romantique . En découle un mélange des genres assez déroutant qui n'a pas très bien fonctionné pour moi.
Deux trames d'histoires s’entremêlent dans Happiness Therapy: le contexte familial de Pat et sa relation avec Tiffany. 

La relation du personnage principal avec son père est l'un des aspects les plus intéressants du film: ambiguë, retenue, pudique, parfois violente. Robert De Niro joue très sobrement ce père peu bavard et superstitieux, qui tente de prouver à sa façon à son fils qu'il croit en lui. C'est par ailleurs cet aspect du film qui donne lieu à des scènes qui m'ont personnellement mises assez mal à l'aise: crises, cris, coups, les épisodes bipolaires sont oppressants et donnent à réfléchir sur l'impuissance de ce personnage face à sa maladie.

D'un autre côté, Happiness Therapy est une love story, entre deux personnages très déglingués mais finalement faits pour s'entendre. Et c'est là que ça n'a pas fonctionné pour moi. Malgré une Jennifer Lawrence lumineuse et délicieusement frappée, le rapprochement de Pat et Tiffany ne fonctionne pas. Outre le fait que l'actrice soit sans doute trop jeune pour le rôle, je n'ai pas été emportée dans cette histoire.

Happiness Therapy  a été présenté comme un feel-good movie et c'est pour moi tout le contraire: loin de me faire sentir mieux, c'est mission accomplie pour faire ressentir le mal-être de ce personnage.
On ne négligera pas l'humour qui se dégage de certaines scènes, les réparties bien senties et les personnages secondaires excellents (Chris Tucker, qu'on n'avait pas vu depuis Rush Hour 3 ou Jacki Weaver vue dans l'excellent Animal Kingdom).

Globalement un peu déçue, ce qui arrive souvent quand on entend trop de critiques positives sur un film. Cela dit, le niveau des acteurs rend le spectacle agréable et le film intéressant, sans plus.

La petite anecdote:
Premier film depuis 31 ans nominé dans les 4 catégories "acteurs" des Oscars: Bradley Cooper pour Meilleur Acteur, Jennifer Lawrence pour Meilleure Actrice, Robert De Niro pour Meilleur Second Rôle masculin,  Jacki Weaver pour Meilleur Second Rôle féminin.
Rendez-vous le 24 février pour le palmarès...

lundi 11 février 2013

J'ai été voir... Lincoln


Quand le réalisateur le plus connu d'Hollywood décide de raconter l'histoire du président le plus mythique des Etats-Unis, on a forcément un film évènement. Nominé 12 fois aux oscars, je mets volontiers une pièce sur la statuette de meilleur acteur pour Daniel Day-Lewis...

Impossible de parler de la vie entière d'Abraham Lincoln: Spielberg a donc choisi de n'adapter qu'une partie du livre de Doris Kearns Goodwin Team of rivals.
Lincoln relate donc les mois pendant lesquels le président, réélu pour la 2ème fois, se bat à la fois pour faire passer le 13ème amendement abolissant l'esclavage et pour terminer la Guerre de Sécession qui fait rage depuis 4 ans. 

C'est dans ce contexte politique extrêmement tendu et délicat que l'on suit Abraham Lincoln et que l'on découvre sa détermination sans faille et sa vision géniale.
En se concentrant essentiellement sur les débats parlementaires et les tractations en sous-main qui ont mené au vote de l'amendement, Spielberg fait le choix d'un film complexe. Le contexte historique de la Guerre de Sécession n'est pas expliqué, pas plus que les forces politiques en présence à la Chambre des Représentants (les partis républicains et démocrates, très éloignés de ceux d'aujourd'hui). 
Même si on a quelques notions de base sur cette période, il est difficile de comprendre les enjeux et les priorités du président. C'est à dire comment prendre la décision de repousser la fin de la Guerre pour avoir le temps d'abolir l'esclavage alors que cela signifie forcément de nombreux morts supplémentaires.

Les joutes verbales sont plaisantes, presque des scènes d'action. Souvent drôles, elles donnent lieu à de belles performances d'acteurs (Tommy Lee Jones en particulier).
Mais il faut du temps et une bonne dose de concentration pour démêler les noeuds des débats. 

La multiplication des personnages secondaires (voire tertiaires) ne facilite pas non plus la compréhension. Peut-être qu'un public américain, potentiellement plus éduqué sur cette période, pourra davantage apprécier...
Lincoln est donc par moment un film bavard, dont le rythme n'est pas au service de la narration. Pas d'envolée ou de moment plus léger: c'est difficile de reprendre son souffle.

En revanche, la précision de la reconstitution historique est remarquable. Costumes, sombres, chapeaux haut de forme, robes démesurées, uniformes: on est plongé très rapidement dans l'ambiance 1865. Spielberg a mis les grands moyens à sa disposition pour réaliser ce film à l'apologie de Lincoln, qu'il admire depuis qu'il a 5 ans et qu'il a vu sa statue à Washington.
Même le spectateur n'est pas aidé, le choix de se concentrer sur cette période fait mouche: la portée historique des décisions prises rend justice à ce président hors du commun. On comprend très vite qu'on a affaire à quelqu'un d'extraordinaire, qui a su faire preuve d'une grand flexibilité afin d'arriver à ce qu'il croyait.
De plus, les échos de ces débats raisonnent jusqu'à nos jours avec des références à peine déguisées à Obama.

A personnage exceptionnel, acteur exceptionnel. C'est Daniel Day Lewis qui endosse le rôle d'Honest Abe. Il semble être tout simplement tombé amoureux du rôle (qu'il avait décliné dans un premier temps) et lui donne le meilleur. Extrêmement charismatique et en même temps très accessible, Lincoln a de multiples facettes. Day-Lewis a semble-t-il réalisé un énorme travail de documentation qui porte ses fruits puisque c'est bien l'authenticité qui caractérise sa prestation. On voit donc Lincoln à la fois dans ce qui l'a rendu mythique mais aussi dans ce qui faisait de lui un homme comme les autres.

Mais peut-être que Spielberg n'était pas le bon réalisateur pour Lincoln. Plus habitués aux films d'images qu'aux films de mots, il n'a pas su donner la fluidité nécessaire pour rendre la film confortable. Il n’empêche que Lincoln est un très bon film, historiquement intéressant et magistralement interprété.

La petite anecdote:
Lors de la scène du vote de l'amendement, les noms de nombreux députés ayant voté "non" ont été changés de manière à ne pas embarrasser leurs descendants. 

Infos pratiques:
Lincoln
sorti le 30 janvier 2013 en France
réalisateur: Steven Spielberg
avec: Daniel Day-Lewis, Sally Field, Tommy Lee Jones, Joseph Gordon Lewitt
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19428336&cfilm=61505.html