vendredi 28 février 2014

Le Vent se Lève


C'est une fin en beauté pour Hayao Miyazaki qui signe avec Le Vent se Lève son 11ème long métrage. Il a annoncé que ce serait le dernier (en n'excluant pas de travailler sur d'autres projets plus courts). Le réalisateur de Nausicäa, la Vallée du Vent, Porco Rosso ou encore Mon Voisin Totoro nous livre un bijou délicat et puissant d'animation japonaise.

Jiro, jeune garçon féru d'aviation, ne sera jamais pilote à cause d'une forte myopie. Il deviendra ingénieur et concevra les avions parmi les plus utilisés par l'armée japonaise.

Le Vent se Lève est ancré dans le réel, dans l'histoire du Japon. Le personnage de Jiro est un mélange de deux hommes ayant vraiment existé: l'ingénieur aéronautique Jiro Horikoshi et le romancier Tatsui Hori. Cela différencie d'office le film des travaux précédents de Miyazaki qui nous avait habitué à un bestiaire fantastique peuplé de monstres et de magie.

Ce qui fait rêver le réalisateur, ce sont les avions ou plus généralement l'idée de voler. On retrouvait déjà cette thématique dans Nausicäa ou dans Porco Rosso. Tout au long de l'histoire, un souffle porte Jiro, et l'emporte parfois plus loin qu'il ne l'avait imaginé.
Le rêve a une place centrale dans l'histoire: c'est le déclencheur des ambitions. En rêvant d'un avion parfait et de conversations avec un concepteur italien, le jeune Jiro trouve sa voie.

On l'accompagne ensuite dans plusieurs grandes étapes de sa vie, de rencontres en accomplissements, de déceptions en défaites. Surtout, il est témoin des bouleversements de la société japonaise de l'entre deux guerres. Grâce à un sens très fin de la narration, Miyazaki mêle une grande histoire d'amour à la marche de l'Histoire avec un grand H.

Le Vent se Lève  a un rythme assez particulier, entre contemplation et souvenir. Certains pourront le trouver lent et il est vrai que les 2 heures ne passent pas vite. Mais j'aime la douceur dans les films de Miyazaki qui parvient à traiter de sujets durs (la mort hante tous les recoins de Le Vent se Lève) sans brusquer ses spectateurs.
Il arrive ici à mélanger optimisme et nostalgie. C'est un film lumineux qui parle d'époques bien noires (du tremblement de terre de Kanto en 1923 aux tensions menant à la 2nde Guerre Mondiale) et d'histoires tristes.

Quant aux dessins, le trait et fin et va à l'essentiel. Lucide mais n'oubliant pas le trait d'humour nécessaire, via notamment le personnage du patron de Jiro.

Le titre du film, tiré d'un roman de Paul Valéry est complété par la phrase "il faut tenter de vivre". C'est avec, comme d'habitude, beaucoup de poésie que M. Miyazaki nous donne une dernière leçon de cinéma d'animation.

La petite anecdote:
Plus de 11000 exemplaires du Mitsubushi A6M Zero, l'avion conçu par Jiro Horikoshi, furent construits entre 1937 et la fin de la 2ème Guerre Mondiale. Reconnu pour sa très grande maniabilité, c'était l'avions favori des kamikazes.

Infos pratiques:
Le Vent se Lève
sorti en France le 22 janvier 2014
réalisateur: Hayao Miyazaki
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19537120&cfilm=197176.html 

lundi 24 février 2014

Dallas Buyers Club


Dans la course aux Oscars 2014, Dallas Buyers Club fait figure de challenger très crédible avec ses 6 nominations (dont Meilleur Film). Mais c'est sans doute dans les catégories "Meilleur acteur" et "Meilleur acteur dans un second rôle" que ses chances sont les plus solides. Et ce ne sont que 2 raisons parmi d'autres qui devraient vous pousser à aller voir ce film.

Quand Ron Woodroof apprend en 1986 qu'il est atteint du VIH, les médecins lui donnent 1 mois à vivre. Il décide de recourir à des traitements alternatifs et va les diffuser à d'autres malades du Sida, même si c'est illégal.

Les américains se régalent de ces scenario estampillés "histoire vraie". C'est pourtant à un réalisateur canadien que le projet est confié après presque 20 ans dans les tiroirs. C'est Jean-Marc Vallée, réalisateur du très bon C.R.A.Z.Y qui est derrière la caméra et qui parvient à raconter cette histoire sans mélodrame et sans pathos.

Pas gagné puisque le fond du récit est profondément triste: les personnages principaux sont malades et condamnés, l'industrie pharmaceutique est vicieuse et même les médecins sont perdus face à cette maladie que personne ne comprend vraiment au milieu des années 80.
Vallée décide de se concentrer sur ses personnages et c'est un pari gagnant. L'histoire n'est pas larmoyante puisqu'ils ont choisi de vivre, elle n'est pas dramatique puisqu'ils rient d'eux-mêmes, elle ne s'apitoie sur personne puisqu'ils ne le font pas.

La maladie a un curieux effet sur Woodroof: elle va transformer le cow-boy bouseux et homophobe en un homme engagé et altruiste. Il paraît paradoxalement plus en paix avec lui-même lorsque la maladie est déclarée. On assiste à cette transformation sans forcément ressentir de grande sympathie pour le bonhomme mais en admirant sa capacité à changer son énergie vers un but positif.

Matthew McConaughey a produit en partie le film et lui a donné beaucoup. au-delà de la performance physique (notamment une impressionnante perte de poids), il incarne littéralement Woodroof. Il donne à cet homme qui refuse de mourir son dynamisme et sa compassion: le résultant est impressionnant. Après Mud, Killer Joe et Magic Mike, on va croire que McConaughey ne peut jouer que des texans au stetson vissé sur le crâne. Mais il parvient à chaque fois à donner une nouvelle nuance à ces personnages.

A ses côtés, Jared Leto (Requiem for a dream, Lord of War) que l'on avait pas vu à l'écran depuis 5 ans, est tout simplement méconnaissable. Il joue Rayon, travesti malade et optimiste, gai et tragique, toxico au grand coeur. Sidérant.

On pourra reprocher à Dallas Buyers Club un côté leçon de morale: le méchant homophobe change finalement pour devenir le Robin des Bois des gays séropositifs. 
Vallée filme avec sobriété mais sans ennuyer: le rythme est suffisamment soutenu pour nous emporter et ne nous laisse pas le temps de verser une larme.

Deux grandes performances d'acteur pour un récit subtil parlant de rédemption sans grands sentiments.

La petite anecdote:
La petite anecdote sera - contrairement à Dallas Buyers Club - plutôt triste.
Selon l'OMS en 2012, 1.6 million de personnes sont mortes du SIDA, 35.3 millions de personnes vivent avec le virus et seulement 9.7 millions d'entre eux ont accès aux traitements.

Infos pratiques:
Dallas Buyers Club
sorti le 29 janvier 2014 en France
réalisateur: Jean-Marc Vallée
avec: Matthew McConaughey, Jared Leto, Jennifer Garner
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19537471&cfilm=137097.html 

mardi 11 février 2014

J'ai été voir... American Bluff


David O Russell revient... vite. Un an après Happiness Therapy et ses 8 nominations, 1 Oscar (Meilleure actrice pour Jennifer Lawrence), voici American Bluff et ses 10 nominations aux Oscars 2014. 

Années 70, New Jersey, un couple d'arnaqueurs se voit obligé de collaborer avec le FBI pour coincer des politiciens véreux. Un jeu de cache-cache vicieux et dangereux.

Ce qui frappe tout d'abord dans Amercian Bluff c'est son casting. David O Russel a réuni les stars avec lesquelles il a déjà travaillé sur ses deux derniers films: Christian Bale et Amy Adams qui avaient joué dans Fighter et Jennifer Lawrence, Bradley Cooper et Robert De Niro qui étaient à l'affiche de Happiness Therapy. Une affiche alléchante, surtout quand on voit ces pointures en total look seventies: brushing improbables, décolletés plongeants et cols pelle à tarte.

Cette esthétique 70's, O Russell s'en amuse et prend un malin plaisir à y faire évoluer ses personnages. Car ce sont eux qui intéressent vraiment le réalisateur.
Le scénario a pour point de départ une histoire vraie d'affaire de lutte contre la corruption. Mais on comprend vite que ce n'est qu'un prétexte. Il se sert de cette opération pour étudier les relations entre les différents personnages.

Un réplique résume d'ailleurs bien le film: "Les choses ne sont pas noires ou blanches. Tout est extrêmement gris." Aucun personnage n'est complètement bon ou complètement mauvais. Chacun est tour à tour escroc et dupé. C'est en explorant ces multi-facettes qu'O Russell crée un film original.
De loin, on croit à un film d'escrocs, sorte de film mafieux saupoudré de bling-bling et de disco. Mais en fait, c'est une analyse au plus près des mensonges qui existent dans ces histoires d'amour et d'amitié.

Sauf que le nombre de personnages multiplie le nombre de relations étudiées et on est vite perdus. Un peu brouillon et sans s'accrocher à l'histoire comme ligne directrice, on se sent vite baladé. Christian Bale a indiqué que la majorité du tournage avait eu lieu en improvisation, sans suivre le script pré-établi. O Russell dit qu'il "préfère les personnages aux scénarios". Ça se sent...

Il laisse donc la part belle aux acteurs et actrice et les laisse évoluer dans une esthétique léchée vintage très réussie. La BO notamment accompagne parfaitement le film, entre Donna Summer, Elton John et Duke Ellington.
Christian Bale et Amy Adams sont tous les deux nominés aux Oscars pour leur prestation dans American Bluff. Lui a pris 18kg de bedaine et de gras et se lâche dans un rôle de beauf sensible. Il rend subtil ce mec aux apparences très lourdes. Elle est à la fois fragile et super sexy, forte sans maîtriser toutes les facettes de son charme.
Jennifer Lawrence (nominée elle aussi pour l'Oscar du second rôle) est un tête à claque parfaite en épouse peroxydée et écervelée.

Bref, un film plus complexe qu'il n'y paraît, à voir pour ses interprètes et sa BO mais qui manque d'une trame d'histoire solide pour ne pas nous perdre en route.

La petite anecdote:
Ben Affleck a longtemps été pressenti pour réalisé ce scénario qui s'appelait alors "American Bullshit"

Infos pratiques:
American Bluff
sorti le 5 février 2014 en France
réalisateur: David O Russell
avec: Amy Adams, Bradley Cooper, Chrsitian Bale, Robert De Niro, Jeremy Renner, Jennifer Lawrence