mercredi 8 janvier 2014

J'ai été voir... A Touch of Sin


Le cinéma dans toute sa diversité, ou comment voir 3 films diamétralement opposés en l'espace de 5 jours...
Plongée cette fois-ci dans l'univers mélancolique et violent de la Chine contemporaine vue par Jia Zhangke.

Quatre histoires croisées de faits divers, chronique de la violence ordinaire dans la Chine d'aujourd'hui.

Récompensé à Cannes en mai dernier par le prix du Meilleur Scénario, A Touch of Sin est un de ces films que l'on digère pendant plusieurs jours avant de savoir ce qu'on en a vraiment pensé.
Répondant aux codes culturels chinois, il demande une certaine adaptation. Vous l'aurez compris, ce n'est pas un film grand public...

En dressant ces quatre portraits et en nous promenant dans quatre régions de Chine, le réalisateur nous montre quatre visages que peut prendre la violence, quatre personnes normales qui dérapent dans le fait divers sanglant.
Alors que la 1ère histoire a des aspects de Tarantino ou de Kitano (qui produit A Touch of Sin), les trois suivants sont beaucoup plus sombres et désespérés. Ces quatre moments sont par ailleurs tirés de faits divers réels que Jia Zhangke a choisi pour révéler les explosions violentes de la société chinoise. 

On en ressort avec la sensation d'un pays qui avance trop vite et qui avale les individus et leurs états d'âmes. La corruption et l'argent pervertissent les personnages, les poussant à utiliser la violence comme un moyen d'expression.

Zhang Ke filme la Chine sans complaisance mais avec un grand sens de l'esthétique, ce qui rend A Touch of Sin un objet visuel original et abouti. On est très loin d'une publicité pour l'Office du Tourisme chinois mais tous les plans sont construits comme des photos. 

On ne sera donc pas surpris par l'enthousiasme des critiques de Télérama et des Cahiers du Cinéma. Style "auteuriste" et épuré, on n'est pas à Hollywood...
Mais A Touch of Sin  n'en est pour autant pas inaccessible car il dénonce avec un langage clair les dérives d'un système devenu gigantesque et inhumain.

A Touch of Sin est violent (souvent), froid, réaliste et déterminé. Un objet de cinéma pour relayer une vision sociale, politique et morale.

La petite anecdote:
Le titre A Touch of Sin est une référence au film d'action et d'arts martiaux A Touch of Zen, sorti en 1971.

Infos utiles:
A Touch of Sin
sorti en France le 11 décembre 2013
réal: Jia Zhangke
avec: Wu Jiang, Wang Baoqiang, Zhao Tao
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19539846&cfilm=220816.html

lundi 6 janvier 2014

J'ai été voir... Du Sang et des Larmes


Pour les amateurs de sensations fortes, de M4 et de films de guerre, Du Sang et des Larmes devrait vous ravir... Peter Berg, réalisateur de Battleship,  Hancock mais aussi Very Bad Things raconte les Navy SEALs et l'Afghanistan et assure la décharge d'adrénaline.

En 2005 dans le nord de l'Afghanistan, une unité d'élite est envoyée sur le terrain pour éliminer un chef taliban. Rapidement, l'opération tourne au piège.

Marcus Luttrel a vécu puis raconté cette histoire dans un roman. Mais il savait que seul un film pourrait avoir l'impact qu'il souhaitait, pour pouvoir rendre hommage à ses camarades. Avec un casting de stars et un réalisateur passionné, c'est aujourd'hui mission accomplie pour l'ancien soldat.

En bon film de guerre, Du Sang et des Larmes mélange habilement action et camaraderie militaire. Les membres de cette section sont des frères de sang et on sent que les acteurs comme le réalisateur ont souhaiter retranscrire avec fidélité cet aspect.

Sans chichis, on nous présente brièvement les protagonistes, suffisamment pour que l'on s'attache à eux mais sans y passer trop de temps. 
On attend avec eux que le feu vert soit donné et on comprend qu'une grande partie de la vie de ces soldats est faite d'attente.

On plonge vite au cœur du combat après un dilemme moral qu'on jurerait inventé (mais la mention "tiré d'une histoire vraie" le cautionne). Les scènes d'action, orchestrées de main de maître par Berg, s'enchaînent et ne laissent aucun répit au spectateur, accroché à son siège pendant une heure non stop.

On pense à La Chute du Faucon Noir pour l'opération qui dérape ou aux Rois du Désert pour l'esprit d'équipe. Le film de guerre étant une grande tradition à Hollywood, les références sont nombreuses. Paradoxalement, je trouve souvent plus réussis les films qui parlent de défaites...

C'est grâce à son casting que Du Sang et des Larmes attirera sans doute son public. Des acteurs habitués aux rôles de soldat et qui donnent beaucoup d'énergie pour rendre ce récit vivant.
Mark Wahlberg (Les Infiltrés, la série Entourage, Fighter, Ted) tient la tête d'affiche avec sincérité. Il dit même que c'est l'entraînement le plus physique qu'il n'ait jamais fait pour un film.
Taylor Kitsch (John Carter, Savages), Emile Hirsch (Into the Wild, Milk, Killer Joe) et Ben Foster complète cette unité de choc.

Du Sang et des Larmes est exactement ce que j'imaginais: pas de grosse surprise (bonne ou mauvaise) mais un film de guerre qui tient la route et ses promesses. Si vous voulez des explosions, de la testostérone à haute dose et de la solidarité militaire, foncez!

La petite anecdote:
Du Sang et des Larmes est un film à petit budget pour Hollywood: 40M $. Pour que le film se fasse, Peter Berg, Taylor Kitsch et Mark Wahlberg ont accepté de travailler à un salaire réduit.

Infos pratiques:
Du Sang et des Larmes 
sorti le 1er janvier 2014 en France
réal: Peter Berg
avec: Mark Wahlberg, Taylor Kitsch, Emile Hirsch, Eric Bana, Ben Foster
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19536791&cfilm=130593.html


vendredi 3 janvier 2014

J'ai été voir... Yves Saint Laurent


Yves Saint Laurent n'est sans doute pas le héros les plus "grand public" qu'on puisse imaginer. Le couturier, dandy aristocratique, a évolué dans le monde de la mode et on peut imaginer que seuls les fans s'intéressent aux détails de sa vie. Et pourtant, la vision du réalisateur Jalil Lespert est bluffante d'accessibilité et d'élégance. Un biopic à mettre entre toutes les mains.

A 21 ans, Yves Saint Laurent reprend la direction artistique de la maison Christian Dior à la mort de ce dernier. Il rencontre alors Pierre Bergé qui deviendra l'homme de sa vie personnelle et professionnelle jusqu'à sa mort en 2008.

Un autre film sur le "petit prince de la mode" est en préparation et devrait sortir en mai 2014. Mais il semble y avoir tant de facettes au mythe YSL que les deux films pourraient bien se compléter.
Le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert a reçu l'approbation de Pierre Bergé, ce qui a ouvert les portes des dressings de sa fondation. Les lieux (les ateliers rue Marceau, le jardin Majorelle à Marrakech) et les costumes (des robes des défiles aux lunettes portées par Pierre Niney) sont les originaux. Le mot "authenticité vient donc naturellement aux lèvres. Guillaume Gallienne, qui joue Pierre Bergé dans le film a également pu discuter avec ce dernier et lire des extraits de la correspondance entre les deux hommes.

Lespert a décidé de nous présenter le génie de Saint Laurent via le prisme de sa relation avec Pierre Bergé. Grâce à un regard tour à tour passionné, amoureux, attentif, jaloux, on voit évoluer Saint Laurent dans ses moments de création et de dépression.
Il signe un biopic tendre et élégant qui nous décrit à la fois une personne et une relation hors du commun.

Saint Laurent atteint la gloire en 1957; il va ensuite traverser la seconde moitié du XXème siècle et y poser son empreinte dans la mode. On voyage donc dans cette époque au travers d'événements qui restent en arrière plan mais qui rythme intelligemment le film, de la guerre en Algérie aux événements de mai 68 puis les années 70 et leurs débordements artistiques.
La très bonne bande-son composée par Ibrahim Maalouf joue également un rôle délicat dans cette évolution de l'histoire.

Surtout, les deux acteurs principaux sont exceptionnels. Pierre Niney (vu dans Comme des Frères) et Guillaume Gallienne (vu récemment dans Les Garçons et Guillaume, à table!), tous deux pensionnaires de la Comédie Française, sont la raison n°1 pour aller voir Yves Saint Laurent.
Niney a travaillé le mimétisme tant au niveau de la silhouette qu'au niveau de la voix et de l'élocution mais aussi jusqu'à sa façon de dessiner. Il paraît tellement à l'aise dans la peau du couturier qu'il peut se concentrer sur les émotions qui le traversent.
Gallienne est, lui, l'homme fort du couple, celui qui organise et décide. Il est surprenant de compassion et d'admiration.
On sent le profond respect des deux interprètes pour l'histoire qu'ils racontent.

Seule ombre au tableau, celle de Pierre Bergé justement. En ayant approuvé ce film, il l'a également sans nul doute surveillé. C'est sa version de l'histoire qui est contée ici. Il travaille à entretenir le mythe Saint Laurent et, si sa réputation de grand contrôleur est justifiée, on peut raisonnablement penser que Lespert n'avait pas les mains complètement libres...

Yves Saint Laurent est un biopic habilement construit et remarquablement interprété, qui parvient à faire vibrer en racontant une histoire et pas seulement une vie.
2014 démarre très bien...

La petite anecdote:
Si vous souhaitez vous-même visiter le studio d'Yves Saint Laurent, c’est possible: ça se passe ici.

Infos pratiques:
Yves Saint Laurent
sorti le 8 janvier 2013 en France
réalisateur: Jalil Lespert
avec: Pierre Niney, Guillaume Gallienne, Charlotte Le Bon, Laura Smet
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19541103&cfilm=217634.html



Top 2013


Clap de fin sur l'année 2013 qui ne restera sans doute pas dans les annales du cinéma... En faisant le point sur les (50) films que j'ai vu cette année, je me rends compte qu'il y a peu de coups de coeur.

Je vous livre tout de même mon Top 10:
1. Django Unchained
2. Alabama Monroe
3. Sugar Man
4. Zero Dark Thirty
5. Prisoners
6. Mud
7. Moi Moche et Méchant 2
8. Gatsby Le Magnifique
9. Rush
10. Gravity

A noter que je n'ai pas vu le film qui arrive en tête de la plupart des classements de la presse La Vie d'Adèle.

Bonne année ciné!
Flora 

jeudi 2 janvier 2014

J'ai été voir... Don Jon


Joseph Gordon-Lewitt (500 jours ensemble, Inception, The Dark Knight Rises, Looper) passe pour la première fois derrière la caméra. Comme thème, le petit prince du cool n'y va pas de main morte: il traite de l'addiction au porno...

Jon Martello, italo-américain visant dans le New Jersey a quelques priorités dans sa vie: ses potes, sa voiture, son appart, sa famille et... son porno. Même quand il rencontre la fille de ses rêves, Barbara, il ne peut pas se passer de son ordinateur.

L'obsession masculine pour la pornographie peut-elle faire le sujet principal d'un film sans donner la nausée? la réponse est oui quand c'est fait intelligemment.
Oui les images sont crues et on laisse peu de place à l'imaginaire, oui les blagues sont salaces et les caricatures nombreuses. Mais Don Jon réussit son pari car il va plus loin que la surface.

Jon est un extrême: il ne voit les filles que comme un objet et il est tellement centré sur son propre nombril qu'il ne voit pas le monde tourner autour de lui. 
Barbara aussi est extrême: elle a tellement rêvé sa vie idéale qu'elle est incapable de s'adapter à la réalité quand celle-ci ne rentre pas dans les cases qu'elle a pré-établies.
Chacun doit gérer ses fantasmes, tout autant destructeurs pour leur couple. 

Don Jon est un film plein d'énergie, à l'humour de répétition pas très fin mais percutant et qui porte son message de façon efficace.

Joseph Gordon-Lewitt a su s'entourer pour cette 1ère réalisation. Après avoir décidé d'endosser lui-même le rôle principal (Channing Tatum - Magic Mike - ayant décliné), il a pris 5kg de muscles. Il a ensuite convaincu Scarlett Johanson de prêter sa plastique parfaite à Barbara. Elle mélange son image de fantasme sexuel à une forte dose de vulgarité et ça fonctionne très bien. 
On retrouve avec un sourire Tony Danza (Madame est servie), parfait en père italo-mégalo.

C'est surtout dans la description de son environnement que Gordon-Lewitt réussit haut la main son Don Jon. Il crée une atmosphère: entre la télé qui reste allumée pendant les repas, la salle de sport et le culte du corps (presque au sens propre) mais aussi le rituel des sorties du samedi soir entre potes.

Décomplexé et joyeux, Don Jon n'aborde pas son sujet de façon dramatique. Il l'aborde de façon plus subtile qu'on pourrait penser au premier abord. Et c'est une agréable surprise.

La petite anecdote:
Malgré quelques jours de retard, cette petite vidéo de Joseph Gordon Lewitt et Zooey Deschanel me paraît d'actualité: https://www.youtube.com/watch?v=aSq1cez_flQ#t=83

Infos pratiques:
Don Jon
sorti le 25 décembre 2013 en France
réalisateur: Joseph Gordon-Lewitt
avec: Joseph Gordon-Lewitt, Scarlett Johanson, Tony Danza, Julianne Moore
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19536031&cfilm=203316.html

J'ai été voir... Le Loup de Wall Street


Après son dernier film Hugo Cabret, Martin Scorcese fait un virage à 180° et revient à ce cinéma rock n'roll qu'il a inventé avec Casino et Les Affranchis. Les gangsters ont changé de profession: ils sont maintenant courtiers à Wall Street mais il font toujours autant rêver l'Amérique...

Jordan Belfort a un talent: il sait vendre à peu près n'importe quelle action à à peu près n'importe qui. Et surtout, il sait comment faire pour que cela lui rapporte beaucoup d'argent. Il va donc créer sa société de courtage et devenir le chef d'une meute assoiffée de fric, de prostituées et de drogues...

Pendant 3 heures, Scorcese nous plonge donc la tête dans une orgie. Putes, drogues en tous genres, yachts, fêtes démesurées: Belfort fait tout dans l'excès et Scorcese filme avec une énergie remarquable pour ses 71 ans.

Mais Jordan Belfort n'est pas un héros que l'on admire. Alors que les bad guys ont souvent un côté attirant, voire un certain sens de l'honneur, ce trader est surtout une petite frappe obsédé par l'argent et ce qu'il peut lui procurer.
Grâce à ce héros plus vide qu'autre chose, le scénario du Loup de Wall Street s'applique à nous montrer à quel point le système financier repose sur du vent. En une scène (assez mythique) Matthew Mc Conaughey résume comment fonctionne le marché et on comprend vite que personne ne contrôle rien.

Qui dit orgie dit forcément caricature. On passe donc du trip sous cocaïne à des scènes de sexe franchement limite en passant par des discours de motivation à l'ensemble du staff. Scorcese est aux commandes et le rythme ne fait pas défaut: c'est une machine bien huilée (sa chef monteuse signe ici sa 22ème collaboration avec le réalisateur). Certaines scènes sont même franchement comiques.
Excès et euphorie sont au rendez-vous mais il règne un certain malaise car la jouissance, elle n'y est pas. Comme si ces personnages courraient constamment après un but qu'ils ne sont pas satisfaits d'avoir atteint.

Principal reproche: ces 3 heures que durent Le Loup de Wall Street sont longues et assez indigestes. Cela donne l'impression que la même histoire aurait pu être racontée en 2 heures sans perdre de son impact. On doit se contenter d'une description (le scénario n'apporte ni rebondissement ni intrigue à proprement parler), et ça tire franchement en longueur.

Mais grâce à la performance d'un Di Caprio en très grande forme (et qui lui vaudra sans doute une nomination aux Oscars) Le Loup de Wall Street reste un film à ne pas louper. Jordan Belfort sous les traits de Léo passe par tous les états et c'est assez jouissif. Il est constamment dans le rouge et montre même un côté humoristique que l'on voit rarement.
Son partenaire d'orgie est joué par Jonah Hill (Le Stratège) gros hystérique complètement barré.
La performance de Jean Dujardin en banquier suisse est en revanche à oublier très vite tant il fait tâche.
Et un petit clin d'oeil britannique puisque Joanna Lumley, actrice dans la série déjantée Absolutely Fabulous joue la tante Emma.

Scorcese ne dénonce pas les écarts du système financier de Wall Street. Il ne fait pas passer de message moralisateur ou de leçon. Il se contente de nous montrer à quel point les hommes qui jouent dans ce système et en profitent sont stupides.
Ca n'est pas très digeste mais ça reste drôlement bien foutu.

La petite anecdote:
Le Loup de Wall Street contient 506 fois le mot "fuck": c'est le record dans un film de Scorcese.

Infos pratiques:
Le Loup de Wall Street
sorti le 25 décembre 2013 en France
réalisateur: Martin Scorcese
avec: Léonardo Di Caprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Jean Dujardin
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19522981&cfilm=127524.html