mercredi 23 octobre 2013

J'ai été voir... L'Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S Spivet


L'univers de certains réalisateurs est reconnaissable entre mille et ils ne cessent pourtant de nous surprendre. C'est le cas de Wes Anderson (Fantastique Mr Fox, Moonrise Kingdom) et aussi de Jean-Pierre Jeunet. Avec L'Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S Spivet, il signe un nouveau chapitre de sa filmographie, après Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, Un Long Dimanche de Fiançailles ou La Cité des Enfants Perdus.

T.S. Spivet a 10 ans et c'est un inventeur de génie. Pour recevoir un prestigieux prix que lui remet le Smithsonian de Washington, il entreprend de traverser seul les Etats-Unis.

Les films de Jeunet sont des contes: leur ton, leurs couleurs vives, leurs personnages biscornus sont des éléments de fable. Le réalisateur raconte ses histoires d'une façon bien particulière, avec une voix off et en s'attardant sur des détails dont on décline ensuite un trait de personnalité. Si vous n'aimez pas ce style, L'Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S Spivet va vous paraître surfait...
En adaptant le roman de Reif Larsen, Jeunet laisse libre court à sa créativité visuelle, tout en s'appuyant sur un scénario à l'histoire simple mais solide.

La première partie du film est consacrée à une description très fine et pleine d'humour de la vie de T.S. sur son ranch avec sa famille. C'est dans un second temps qu'il entreprend son "extravagant voyage", qui donne lieu à un road-trip, à des paysages superbes et à une galerie de personnages dont on se régale.

Grâce à une 3D relief très poussée et techniquement impeccable (il a utilisé les caméras de James Cameron Avatar) Jeunet met en action des dessins, des insectes et tout un relief de manière vraiment bluffante. Les prairies, le linge qui sèche, les croquis d'inventions: tout prend littéralement une autre dimension.

Quant au ton du film, il est fantaisiste mais aborde tout de même des sujets graves comme le deuil et la culpabilité. C'est un (petit) reproche, cette partie émotionnelle est souvent laissée au second plan.
Surtout, L'Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S Spivet est un film positif, qui met le sourire aux lèvres en mettant en action les rêves d'un petit garçon.

Ce jeune inventeur, c'est Kyle Catlett, révélation de 10 ans qui donne à T.S Spivett son côté à la fois caricatural (ses mimiques sont géniales) et touchant de sincérité.
Helena Bonham Carter (Harry Potter, Alice au Pays des Merveilles) est pour une fois presque normale en maman entomologiste qui crame tous ses grille-pains.

L'Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S Spivet est loufoque mais délicat, frappé mais poétique, dur mais doux, drôle mais émouvant.
Un petit bijou qui pourrait bien m'avoir réconcilié avec la 3D. 

La petite anecdote:
Les magnifiques paysages du Montana ont en réalité été tournés au Canada, entre Alberta et Montréal.

Infos utiles:
L'Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S Spivet
sorti le 16 octobre 2013 en France
réalisateur: Jean-Pierre Jeunet
avec: Helen Bonham Carter, Kyle Catlett, Judy Davis, Dominique Pinon
Bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19537595&cfilm=199842.html 

lundi 21 octobre 2013

J'ai été voir... Prisoners


Le cinéma n'a pas son pareil pour vous pousser dans vos retranchements. Et les thrillers (réussis) ont cette capacité de vous faire passer par des états d'émotion et de tension qu'on ne vit pas tous les jours. C'est le cas de Prisoners.

Dans une calme banlieue américaine, deux petites filles disparaissent. Alors que l'enquête policière peine à avancer, le père de l'une d'entre elles est persuadé de pouvoir les retrouver lui-même.

Il règne sur Prisoners une atmosphère lourde, humide et poisseuse qui vient tout contaminer: la vie de famille, les relations de couple et de voisinage, la foi, etc. C'est contagieux et le spectateur est vite pris au piège de cet environnement oppressant.
Le cœur de l'enquête provoque d'entrée un malaise: une disparition d'enfants, on imagine difficilement pire. Surtout quand un certaine nombre de personnages assez déséquilibrés font leur apparition.

Le réalisateur Denis Villeneuve (Incendies) réussit un habile tour de force: il nous accompagne dans l'enquête mais il s'en sert surtout pour explorer les failles de ses personnages. Principalement celui de Keller, le père d'une des fillettes (joué magistralement par Hugh Jackman) et celui de l'inspecteur Loki (impeccable Jake Gyllenhaal, qu'on aimerait décidément voir plus souvent).

Grâce à ces deux hommes et à leurs cheminements, on explore des questions sensibles: qu'est-on prêt à faire pour ceux qu'on aime? la douleur peut-elle tout excuser? à quel point la perte d'un être cher nous transforme-t-elle?

De façon élégante mais frontale, Villeneuve mène sa réalisation au millimètre. On pense à Mystic River de Clint Eastwood ou à Gone Baby Gone de Ben Affleck. 
Nous, on s'accroche au siège, parfois en avance sur l'enquête quand le réalisateur nous donne davantage que ce qu'il donne à ses personnages, parfois surpris des retournements de situations, frustrés de ne pas les avoir devinés...

Hugh Jackman (X-Men, Australia) est parfait en père de famille parano et malade de frustration de ne pouvoir agir pour sauver sa fille. Jake Gyllenhaal (Le Secret de Brokeback Mountain, Brothers) incarne l'obstination et le mystère de ce jeune flic qui résout toutes ses enquêtes. Ils sont entourés par d'autres très bons acteurs comme Paul Dano (Little Miss Sunshine, Elle s'appelle Ruby) et Viola Davis (La Couleur des Sentiments).

Prisoners est donc un thriller très réussi, qui tient en haleine pendant 2h30, dominé par deux acteurs en grande forme et dont le scénario très abouti risque de vous empêcher de dormir pour quelques nuits.

La petite anecdote:
Prisoners n'est pas vraiment un film sponsorisé par l'office du tourisme mais si le climat et la verdure du film vous tentent, sachez qu'il a été tourné dans la banlieue est d'Altlanta et dans les environs de Stone Mountain dans l'état de Géorgie.

Infos pratiques:
Prisoners
sorti le 9 octobre 2013 en France
réalisateur: Denis Villeneuve
avec: Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis, Paul Dano
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19536953&cfilm=180887.html

lundi 14 octobre 2013

J'ai été voir... Parkland


Passé plutôt inaperçu, le premier film de Peter Landesman vaut pourtant le détour, apportant un éclairage différent sur l'un des faits divers les plus connus du XXème siècle.

22 novembre 1963, le président John Fitzgerald Kennedy est en visite à Dallas et reçoit plusieurs balles. Pendant qu'il est accompagné aux urgences de l'hôpital Parkland, l'enquête autour de son assassinat démarre.

Parkland retrace les événements du 22 novembre et des 3 jours qui ont suivi en s'attardant sur des personnages touchés directement par l'événement: l'équipe médicale de l'hôpital, l'équipe du FBI chargée de l'enquête, le cinéaste amateur qui a filmé la scène avec sa caméra 8mm...

C'est donc un film choral, sans personnage principal mais avec plusieurs morceaux d'histoire qui s'entrechoquent. On est plongés au coeur de l'action, aux côtés de ceux qui la vivent.
Le choix de filmer caméra à l'épaule s'explique sans doute par cette volonté d'immersion. Cela crée cependant une instabilité des images qui peut rapidement donner la nausée. D'autant que les scènes sanguinolentes à l'hôpital ne sont pas vraiment édulcorées...

En multipliant les points de vue, Landesman crée une certaine confusion car il passe rapidement d'un protagoniste à l'autre. En se contentant de cette position de témoin, il ne propose aucune explication et ne rouvre pas l'enquête sur l'assassinat de JFK. Il raconte les détails, ces petites anecdotes auxquelles on n'a jamais réfléchi. Il replace ainsi cet événement historique dans un contexte humain et nous montre comment il a marqué les gens qui l'ont vécu.

Pas de grande performance mais un casting au sein duquel vous reconnaîtrez quelques visages. Zac Efron (Paperboy) ne prononce que quelques phrases et fait donc un jeune médecin crédible; Paul Giamatti (Cosmopolis, Les Marches du Pouvoir) joue le cinéaste amateur qui se retrouve malgré lui auteur d'images qui le dépassent. C'est surtout Jacki Weaver (Happiness Therapy, Animal Kingdom) qui se démarque et qui donne à la mère d'Oswald un côté frapadingue jouissif tout en posant le doute sur la culpabilité de son fils.

Parkland nous pousse donc à regarder d'un autre oeil ces images que l'on a vu 100 fois. Nous nous sommes approprié cet événement a posteriori. Landesman nous montre comment les principaux intéressés ont réagi sur le coup. 
Ce n'est ni polémique, ni exceptionnel mais haletant et pertinent.

La petite anecdote:
Alors que le casting compte plusieurs visages connus, notamment au travers de séries TV (Tom Welling de Smallville, Colin Hanks vu dans Dexter, etc.) les personnages les plus connus ont été interprétés par des acteurs inconnus. Les rôles du vice-président Lyndon Johnson et de Jacki Kennedy sont joués par deux texans anonymes avant Parkland.

Infos utiles:
Parkland
sorti le 2 octobre 2013 en France
réalisateur: Peter Landesman
avec: Zac Efron, Paul Giamatti, Billy Bob Thorton, Jacki Weaver
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19537306&cfilm=211703.html

jeudi 10 octobre 2013

J'ai été voir... Blue Jasmine


Avec une précision redoutable, Woody Allen sort un film par an. La sortie 2013 s'intitule Blue Jasmine et signe le retour du réalisateur sur le sol américain, après une série de cartes postales européennes (Vicky, Christina, Barcelona, Midnight in Paris et To Rome With Love).

Jasmine quitte New York et vient s'installer chez sa soeur à San Francisco pour se remettre sur pied après une faillite scandaleuse.

Blue Jasmine est donc l'histoire d'une femme aveuglée par sa propre vanité et qui refuse de regarder la réalité en face. Belle, raffinée, élégante, Jasmine a tout pour plaire, y compris une personnalité égocentrique et une addiction aux anti-dépresseurs. Une vraie héroïne made in Woody Allen...

A la différence de nombreux autres films du réalisateur, le ton général n'est pas à la comédie mais plutôt au drame. Plus sombre, plus mélancolique, plus contemplatif... On assiste à la descente plus bas que terre de ce personnage. Et même si elle nous énerve, on ne peut s’empêcher de la plaindre.
Restent tout de même un rythme très dynamique, des répliques qui fusent et des situations cocasses.

Woody Allen n'a décidément pas son pareil pour raconter les personnalités tordues. Et il sait tirer le meilleur de ses acteurs. Voir Blue Jasmine, c'est assister à un très grand numéro de Cate Blanchett (Le Seigneur des Anneaux, Elizabeth, L'Etrange Histoire de Benjamin Button). Sans cesse au bord du gouffre, elle porte le film sans tomber dans le mélo. Elle y met une énergie incroyable et nous fait ressentir à quel point son mal-être doit être épuisant.
Les seconds rôles qui l'entourent servent de révélateurs à certains aspects de la personnalité de Jasmine. Ginger (Sally Hawkins) la soeur un peu trop gentille, Hal (Alec Baldwin, excellent) le mari volage par qui tout arrive, Augie (Adrew Dice Clay) l'ex beau-frère roulé...

Woody Allen nous montre la vie qui déraille, même chez ceux qui ont tout. Et quand on tombe, on peut vite perdre la tête.

La petite anecdote:
Le réalisateur a refusé que le film sorte en Inde à cause des messages anti-tabac qui s'affichent dès qu'un personnage fume à l'écran. Il a préféré retirer Blue Jasmine des écrans indiens.

Infos pratiques:
Blue Jasmine
sorti le 25 septembre 2013 en France
réalisateur: Woody Allen
avec: Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Andrew Dice Clay
bande-annonce: http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19536444&cfilm=206191.html